Chargement Évènements

« Tous les Évènements

  • Cet évènement est passé

Les constructions existentielles des langues germaniques, entre prédication locative et théticité

21 mars 2024 · 14h00 17h00

Organisateur :

Crisco

Lieu :

Caen, campus 1, MRSH, amphithéâtre

esplanade de la Paix
Caen, 14053 France

Conférence de Pierre-Yves MODICOM, professeur à l’Université Jean Moulin Lyon 3

Résumé

Les notions de prédication existentielle (au plan sémantique) ou de construction existentielle (au plan formel) sont fréquemment utilisées dans la description linguistique, en relation avec des expressions comme l’anglais there is / there are, le français il y a ou l’allemand es gibt. Mais cette notion soulève quelques difficultés si l’on va au-delà de ces exemples prototypiques, en particulier s’agissant de la distinction entre prédication locative et prédication existentielle. L’exposé analysera cet enjeu en s’appuyant sur les acquis de McNally (2016), Creissels (2019), Haspelmath (2021) et les discussions dans Sarda & Lena (2023), dans une perspective restreinte aux langues germaniques, à partir des données du corpus Europarl.       

Dans les langues germaniques V2, la syntaxe est extrêmement sensible à la structure informationnelle. Le néerlandais et le danois disposent d’une construction existentielle grammaticalisée à partir d’une source semblable à l’anglais there is (er is en néerlandais, der er en danois), mais où le marqueur locatif désémantisé (er, der) est beaucoup moins strictement attaché au créneau préverbal, de sorte que la construction du phrasème existentiel ne se distingue pas clairement (en synchronie) de l’expression syntaxique libre d’une prédication locative. En suédois, les constructions en question ont des origines différentes (det er, det finns), comme en allemand standard (es gibt).

L’étude du corpus parallèle Europarl confirme que ces constructions ne sont pas équivalentes d’une langue à l’autre.   

1/ les constructions existentielles et locatives devraient être considérées comme faisant partie du même domaine sémantique, et dans les langues germaniques V2, ce domaine présente encore un degré élevé d’homogénéité. 
2/ les variations dans la réalisation constructionnelle de ce domaine prédicatif locatif-existentiel dépendent de l’autonomie générale du module informationnel dans la syntaxe (notamment via le scrambling) : plus une langue peut recourir au scrambling pour marquer la structure informationnelle, moins ses constructions existentielles sont séparées du domaine de la prédication locative.    
3/ si les points 1 et 2 étaient plutôt attendus, le corpus montre également que l’existence de constructions passives sans sujet (ou impersonnelles) est un facteur crucial dans la comparaison inter-linguistique.        

Les résultats préliminaires suggèrent que l’ontologie des procès joue un rôle majeur dans l’alternance entre constructions existentielles et passifs impersonnels dans les langues disposant de cette possibilité, notamment le néerlandais et l’allemand. Les constructions existentielles peuvent être utilisées dans des énoncés introduisant des entités d’ordre supérieur comme nouveaux référents discursifs dans des langues comme l’anglais, alors que l’allemand aura typiquement recours à d’autres constructions impersonnelles thétiques, en particulier des passifs sans sujet. Ainsi, l’étude suggère l’existence d’une hiérarchie d’accessibilité: dans les sections néerlandaise et allemande du corpus, les constructions existentielles prototypiques sont principalement limitées aux entités de premier ordre ; les entités d’ordre supérieur sont introduites via des constructions thétiques, impliquant principalement des passifs ; le danois et le suédois étendent l’utilisation des constructions existentielles à des entités de second ordre. L’anglais peut construire n’importe quel type d’entité dans une construction existentielle.

Références

Creissels, Denis. 2019. Inverse-locational predication in typological perspective. In:  Italian Journal of  Linguistics 31(2), 38-106.

Haspelmath, Martin. 2021. What do we mean by existential clause? Diversity Linguistics Comments, 02/07/2021, https://dlc.hypotheses.org/2516

Liegeois, Vince / Modicom, Pierre-Yves / Bonne, Lisa. 2023. Construction grammar in domain-specific discourse: A contrastive analysis of existential structures in Swedish, Norwegian and Dutch weather reports. In: Prentice, Julia / Coussé, Evie / Höder, Steffen / Lyngfelt, Benjamin (dir.): Constructions in Nordic languages, 145-178. Amsterdam: John Benjamins.

McNally, Louise. 2016. Existential sentences crosslinguistically: Variations in Form and Meaning, Annual Review of Linguistics 2, 211-231.

Sarda, Laure / Lena, Ludovica (dir.). 2023. Existential Constructions across Languages: Forms, meanings and functions. Amsterdam: John Benjamins.