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Interjections, modifieurs expressifs et autres effets « affectifs » : un défi pour la pragmatique
02 octobre 2025 · 14h00 – 17h00
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Résumé
Notoirement, les approches de tradition formelle rencontrent des difficultés majeures pour rendre compte des effets de la communication langagière qui ne se réduisent pas à des propositions. Or d’une part ces effets sont extrêmement présents dans l’interaction verbale, et d’autre part ils ne constituent pas une part négligeable de la communication que l’on pourrait se permettre d’ignorer. Le fait, par exemple, qu’un ensemble d’expressions soient irréductibles à la logique formelle (Ducrot 1966) voire « ineffables » (Blakemore 2011) est symptomatique de leur appartenance au monde de la « procéduralité » et non à celui du sens « déclaratif », conceptuel (Ullmann 2016), échappant donc à la description propositionnelle. Parmi ces éléments, les connecteurs discursifs occupent une place bien reconnue, mais également les attitudes et les expressifs, qui relèvent davantage de la communication affective. Charles Bally, pionner de la réflexion sur le sujet de l’affectivité dans l’usage du langage, relevait qu’une phrase comme « la vie est courte » n’a pas de pertinence sans élément affectif, qui résonne avec la vie intérieure de l’interlocuteur. La pragmatique, si elle souhaite dépasser le stade du menu propos sur ces sujets, doit se poser fondamentalement la question de savoir comment intégrer les affects communicationnels dans ses modèles. Les interjections, les adjectifs explétifs, sont-ils réductibles à du matériel conceptuel ? Sont-ils de nature propositionnelle, ou au contraire procédurale ? Leur « sens » correspond-il à une réponse expérientielle, simulative, ou cette dernière n’est-elle provoquée que comme résultat d’une interprétation plus factuelle ?
À travers quelques cas de figure, et en comparant ces éléments avec les modaux épistémiques et en faisant intervenir la notion d’évidentialité, je questionnerai la place de ces manifestations affectives dans la pragmatique d’orientation cognitive et la manière dont il serait possible de les intégrer dans un modèle plausible de la compréhension. Je développerai pour ce faire la piste selon laquelle ils suscitent une réponse « expérientielle » (de Saussure 2024).
Références bibliographiques
Blakemore, Diane. 2011. On the descriptive ineffability of expressive meaning. Journal of Pragmatics, 43(14), 3537–3550.
Ducrot, Oswald. 1966. Logique et linguistique. Langages, 1(2), 3‐30.
de Saussure, L. (2024). Aimer une langue : de l’expérience à l’attachement. In: Pahud, S. & M. Bertrand (Eds). Etudes de lettres 323, 21-42.
de Saussure, L. & Wharton, T. (2019), La notion de pertinence au défi des effets émotionnels. Travaux interdisciplinaires sur la parole et le langage 35, DOI : 10.4000/tipa.3068
Ullman, Michael T. 2016. The Declarative/Procedural Model: A neurobiological model of language learning, knowledge, and use. In G. Hickock & S. L. Small (Éds.), Neurobiology of Language, 953‐968. London: Academic Press.
Wharton, Tim & Louis de Saussure. 2023. Pragmatics and Emotion. Cambridge University Press.
