Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
BAU_1/BAU143
Charles BAUDELAIRE
LES FLEURS DU MAL
1857-1861
SUPPLÉMENT AUX FLEURS DU MAL
VII
La Voix
Mon berceau s’adossait à la bibliothèque, 6+6 a
Babel sombre, où roman, science, fabliau, 6+6 b
Tout, la cendre latine et la poussière grecque, 6+6 a
Se mêlaient. J’étais haut comme un in-folio. 6+6 b
5 Deux voix me parlaient. L’une, insidieuse et ferme, 6+6 a
Disait : « La Terre est un gâteau plein de douceur ; 6−6 b
Je puis (et ton plaisir serait alors sans terme !) 6+6 a
Te faire un appétit d’une égale grosseur. » 6+6 b
Et l’autre : « Viens ! oh ! viens voyager dans les rêves, 6+6 a
10 Au delà du possible, au delà du connu ! » 6+6 b
Et celle-là chantait comme le vent des grèves, 6+6 a
Fantôme vagissant, on ne sait d’où venu, 6+6 b
Qui caresse l’oreille et cependant l’effraie. 6+6 a
Je te répondis : « Oui ! douce voix ! » C’est d’alors 6+6 b
15 Que date ce qu’on peut, hélas ! nommer ma plaie 6+6 a
Et ma fatalité. Derrière les décors 6+6 b
De l’existence immense, au plus noir de l’abîme, 6+6 a
Je vois distinctement des mondes singuliers, 6+6 b
Et, de ma clairvoyance extatique victime, 6+6 a
20 Je traîne des serpents qui mordent mes souliers. 6+6 b
Et c’est depuis ce temps que, pareil aux prophètes, 6+6 a
J’aime si tendrement le désert et la mer ; 6+6 b
Que je ris dans les deuils et pleure dans les fêtes, 6+6 a
Et trouve un goût suave au vin le plus amer ; 6+6 b
25 Que je prends très souvent les faits pour des mensonges, 6+6 a
Et que, les yeux au ciel, je tombe dans des trous. 6+6 b
Mais la Voix me console et dit : « Garde tes songes ; 6+6 a
Les sages n’en ont pas d’aussi beaux que les fous ! » 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
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