Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
BAU_1/BAU119
Charles BAUDELAIRE
LES FLEURS DU MAL
1857-1861
FLEURS DU MAL
CXV
Femmes damnées
A la pâle clartédes lampes languissantes, 6+6 a
Sur de profonds coussinstout imprégnés d'odeur 6+6 b
Hippolyte rêvaitaux caresses puissantes 6+6 a
Qui levaient le rideaude sa jeune candeur. 6+6 b
5 Elle cherchait, d'un œiltroublé par la tempête, 6+6 a
De sa naïvetéle ciel déjà lointain, 6+6 b
Ainsi qu'un voyageurqui retourne la tête 6+6 a
Vers les horizons bleusdépassés le matin. 6+6 b
De ses yeux amortisles paresseuses larmes, 6+6 a
10 L'air brisé, la stupeur,la morne volupté, 6+6 b
Ses bras vaincus, jetéscomme de vaines armes, 6+6 a
Tout servait, tout paraitsa fragile beauté. 6+6 b
Étendue à ses pieds,calme et pleine de joie, 6+6 a
Delphine la couvaitavec des yeux ardents, 6+6 b
15 Comme un animal fortqui surveille une proie, 6+6 a
Après l'avoir d'abordmarquée avec les dents. 6+6 b
Beauté forte à genouxdevant la beauté frêle, 6+6 a
Superbe, elle humaitvoluptueusement 6+6 b
Le vin de son triomphe,et s'allongeait vers elle, 6+6 a
20 Comme pour recueillirun doux remerciement. 6+6 b
Elle cherchait dans l'œilde sa pâle victime 6+6 a
Le cantique muetque chante le plaisir, 6+6 b
Et cette gratitudeinfinie et sublime 6+6 a
Qui sort de la paupièreainsi qu'un long soupir. 6+6 b
25 — « Hippolyte, cher cœur,que dis-tu de ces choses ? 6+6 a
Comprends-tu maintenantqu'il ne faut pas offrir 6+6 b
L'holocauste sacréde tes premières roses 6+6 a
Aux souffles violentsqui pourraient les flétrir ? 6+6 b
Mes baisers sont légerscomme ces éphémères 6+6 a
30 Qui caressent le soirles grands lacs transparents, 6+6 b
Et ceux de ton amantcreuseront leurs ornières 6+6 a
Comme des chariotsou des socs déchirants ; 6+6 b
Ils passeront sur toicomme un lourd attelage 6+6 a
De chevaux et de bœufsaux sabots sans pitié 6+6 b
35 Hippolyte, ô ma sœur !tourne donc ton visage, 6+6 a
Toi, mon âme et mon cœur,mon tout et ma moitié, 6+6 b
Tourne vers moi tes yeuxpleins d'azur et d'étoiles ! 6+6 a
Pour un de ces regardscharmants, baume divin, 6+6 b
Des plaisirs plus obscursje lèverai les voiles, 6+6 a
40 Et je t'endormiraidans un rêve sans fin ! » 6+6 b
Mais Hippolyte alors,levant sa jeune tête : 6+6 a
— « Je ne suis point ingrateet ne me repens pas, 6+6 b
Ma Delphine, je souffreet je suis inquiète, 6+6 a
Comme après un nocturneet terrible repas. 6+6 b
45 Je sens fondre sur moide lourdes épouvantes 6+6 a
Et de noirs bataillonsde fantômes épars, 6+6 b
Qui veulent me conduireen des routes mouvantes 6+6 a
Qu'un horizon sanglantferme de toutes parts. 6+6 b
Avons-nous donc commisune action étrange ? 6+6 a
50 Explique, si tu peux,mon trouble et mon effroi : 6+6 b
Je frissonne de peurquand tu me dis : « Mon ange ! » 6+6 a
Et cependant je sensma bouche aller vers toi. 6+6 b
Ne me regarde pasainsi, toi, ma pensée ! 6+6 a
Toi que j'aime à jamais,ma sœur d'élection, 6+6 b
55 Quand même tu seraisun embûche dressée 6+6 a
Et le commencementde ma perdition ! » 6+6 b
Delphine secouantsa crinière tragique, 6+6 a
Et comme trépignantsur le trépied de fer, 6+6 b
L'œil fatal, réponditd'une voix despotique : 6+6 a
60 — « Qui donc devant l'amourose parler d'enfer ? 6+6 b
Maudit soit à jamaisle rêveur inutile 6+6 a
Qui voulut le premier,dans sa stupidité, 6+6 b
S'éprenant d'un problèmeinsoluble et stérile, 6+6 a
Aux choses de l'amourmêler l'honnêteté ! 6+6 b
65 Celui qui veut unirdans un accord mystique 6+6 a
L'ombre avec la chaleur,la nuit avec le jour, 6+6 b
Ne chauffera jamaisson corps paralytique 6+6 a
A ce rouge soleilque l'on nomme l'amour ! 6+6 b
Va, si tu veux, chercherun fiancé stupide ; 6+6 a
70 Cours offrir un cœur viergeà ses cruels baisers ; 6+6 b
Et, pleine de remordset d'horreur, et livide, 6+6 a
Tu me rapporterastes seins stigmatisés… 6+6 b
On ne peut ici-bascontenter qu'un seul mtre ! » 6+6 a
Mais l'enfant, épanchantune immense douleur, 6+6 b
75 Cria soudain : — « Je senss'élargir dans mon être 6+6 a
Un abîme béant ;cet abîme est mon cœur ! 6+6 b
Brûlant comme un volcan,profond comme le vide ! 6+6 a
Rien ne rassasierace monstre gémissant 6+6 b
Et ne rafrchirala soif de l'Euménide 6+6 a
80 Qui, la torche à la main,le brûle jusqu'au sang. 6+6 b
Que nos rideaux fermésnous séparent du monde, 6+6 a
Et que la lassitudeamène le repos ! 6+6 b
Je veux m'anéantirdans ta gorge profonde, 6+6 a
Et trouver sur ton seinla frcheur des tombeaux ! » 6+6 b
85 — Descendez, descendez,lamentables victimes, 6+6 a
Descendez le cheminde l'enfer éternel ! 6+6 b
Plongez au plus profonddu gouffre, tous les crimes, 6+6 a
Flagellés par un ventqui ne vient pas du ciel, 6+6 b
Bouillonnent pêle-mêleavec un bruit d'orage. 6+6 a
90 Ombres folles, courezau but de vos désirs ; 6+6 b
Jamais vous ne pourrezassouvir votre rage, 6+6 a
Et votre châtimentntra de vos plaisirs. 6+6 b
Jamais un rayon fraisn'éclaira vos cavernes ; 6+6 a
Par les fentes des mursdes miasmes fiévreux 6+6 b
95 Filtrent en s'enflammantainsi que des lanternes 6+6 a
Et pénètrent vos corpsde leurs parfums affreux. 6+6 b
L'âpre stérilitéde votre jouissance 6+6 a
Altère votre soifet roidit votre peau, 6+6 b
Et le vent furibondde la concupiscence 6+6 a
100 Fait claquer votre chairainsi qu'un vieux drapeau. 6+6 b
Loin des peuples vivants,errantes, condamnées, 6+6 a
A travers les désertscourez comme les loups ; 6+6 b
Faites votre destin,âmes désordonnées, 6+6 a
Et fuyez l'infinique vous portez en vous ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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