VIII |
PARIS |
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Paris, comme toujours, résume bien la France. |
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Aussi Paris n'est plus qu'une grande souffrance. |
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C'est la tête ou le cœur ; c'est l'incarnation |
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D'un peuple malheureux, la grande nation ! |
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O fameuse cité, brillante capitale, |
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Tu souriais naguère au luxe qui s'étale, |
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Tu voyais dans tes murs l'empereur et sa cour, |
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Les astres du pouvoir, les idoles du jour ! |
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O ville qui régnais sur toutes les provinces, |
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Qui donnais rendez-vous aux peuples comme aux princes, |
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Veuve de tant d'éclat, de gloire et de splendeur, |
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Tu surpasses encor ton ancienne grandeur, — |
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Délaissant les plaisirs, les théâtres, les fêtes, |
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Pour un suprême effort maintenant tu t'apprêtes ! |
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N'es-tu pas, ô Paris, le dernier boulevard |
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Où la France a planté son dernier étendard ? |
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Faut-il s'abandonner à la douce espérance ? |
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Croyez-vous qu'à Paris se relève la France ? |
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Paris est bien léger ! Oh, peuple de badauds |
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Qui courent sur les ponts voir passer des radeaux ! |
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Peuple de niais, de sots qu'un saltimbanque amuse, |
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Ou qui reste ébahi devant la cornemuse ! |
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Peuple ignorant qui crie : « à Berlin ! à Berlin ! » |
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Il lui faut des grelots : drelin, drelin, drelin ! |
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Il lui faut des hochets ou la fanfaronnade, |
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Des tours de passe passe à la noix de muscade ! |
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Il lui faut la musique, il lui faut les tambours, |
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Du tapage et du bruit, ou bien… des calembours ! |
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Que ce peuple est enfant, que ce peuple est frivole ! |
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Un rien peut le distraire, une mouche qui vole ! |
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Il court au vaudeville, il court à l'opéra, — |
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Ensuite c'est l'émeute et j'entends : « Çà ira ! » |
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Un jour on brise un trône et cela sans réplique, |
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C'était le bon plaisir de vivre en république ! |
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Puis on s'incline après devant un empereur, |
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Et de la république on parle avec horreur ! |
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L'esprit parisien se plaît aux pirouettes ; |
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Et tourne à tous les vents comme les girouettes ; |
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On s'arme d'un fusil, on l'on monte en ballon ; |
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Mais sans théâtre, enfin, on trouve le temps long ! |
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Vous voulez des acteurs, — je sais qu'on en réclame, — |
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Est-ce la comédie, ou bien est-ce le drame ? |
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Voyons, que voulez-vous ? — Vous n'en savez trop rien, |
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Pourtant, j'entends gronder le fort Valérien ! — |
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De la Valeur française, oh ! personne ne doute. |
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Vous saurez, s'il le faut, mourir sur la redoute ! |
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Mais peuple versatile, eussiez-vous des succès, |
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Ils n'empêcheront pas que vous soyez Français ; — |
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C'est-à-dire inconstants, sans règle, sans principe, |
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Sans respect du pouvoir, — témoin Louis-Philippe ! |
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Les éléments de l'ordre et de la liberté, |
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Où sont-ils donc chez vous ? Et la moralité ? |
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Quoi ! vous vous insurgez prenant l'Hôtel-de-Ville ! |
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Quoi ! devant l'ennemi, c'est la guerre civile !!! |
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Vous acclamiez hier le général Trochu, |
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Aujourd'hui pour plusieurs il est déjà déchu : |
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Un parti l'emprisonne et l'autre le délivre. |
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Ah ! ne dirait-on pas que tout ce peuple est ivre ! |
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Et sa lanterne en main, l'illustre Rochefort |
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Cherche en vain dans Paris un homme1. Quel effort ! |
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On veut la république, on veut la barricade, |
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Et le pouvoir s'en va de cascade en cascade. |
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Paris fait le héros ; il mange du cheval : |
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Paris, c'est le carême et c'est le carnaval !… |
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Vous ne croyez donc pas ? — Quoi ! vous êtes sceptique ? — |
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Je voudrais croire, hélas ! — Mais la vertu civique, |
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Français, n'abonde pas dans votre grand Paris ! |
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Vous pouvez résister, mais Paris sera pris. |
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Sans doute, il est encor des âmes généreuses, |
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Prêtes au sacrifice, ardentes, valeureuses. |
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Mais comment triompher de ces fléaux affreux |
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Conjurés aujourd'hui pour s'abattre sur eux ? |
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Des ennemis partout : dehors et dans la place ! |
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L'ennemi du dedans, mais c'est la populace, |
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C'est, hélas ! l'anarchie et toutes ses fureurs, |
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La discorde aux cent bras, le crime et ses horreurs ! |
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Le danger du dedans, c'est l'écume du bouge |
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Qui veut tous les drapeaux : le blanc, le noir, le rouge. |
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Que de maux à la fois sur la grande cité ! |
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Puis le bombardement, oh ! quelle atrocité !!! |
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Oui, l'on trouve à Paris de ces cœurs héroïques |
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Qui savent pratiquer tous les devoirs civiques, |
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Et là, loin du commun des niais et des badauds, |
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Ils portent dignement leurs douloureux fardeaux ! |
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Hélas ! que devenir dans cette dure enceinte, |
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Où de poignants malheurs on sent la rude étreinte ? |
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L'on souffre et l'on s'immole en tournant ses regards |
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Vers Celui que l'on sait plus fort que les remparts ! |
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Aussi, que je vous plains, nobles cœurs, belles âmes ! |
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L'amour de la patrie allume en vous ses flammes ; |
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Ah ! si vous succombez, gloire à votre trépas ! |
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Vous serez des martyrs que l'on n'oublîra pas ! |
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Paris est assiégé déjà par la famine. |
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Quand le chagrin nous ronge et quand la faim nous mine, |
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A quoi sert donc vraiment l'audace et la fierté |
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Il faudra, tôt ou tard, perdre sa liberté : |
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Belle cité, Paris, tu chancelles, tu tombes, |
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Le gouffre est là béant ; ce sont tes catacombes ! |
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Tu tombes, mais bientôt on te verra grandir ; |
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Car d'un nouvel éclat tu sauras resplendir. |
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