Métrique en Ligne
VRM_1/VRM6
corpus Pamela Puntel
Louis-Lucien VERMEIL
LES DOULEURS DE LA GUERRE
1870
VI
LA DÉFAITE
Ah ! quel frémissement dans le corps d'une armée 12
Qui marche au premier feu, sous des flots de fumée, 12
Dans ce premier élan, oh ! comme il bat le cœur, 12
Personne n'est vaincu, personne n'est vainqueur ! 12
5 La victoire apparaît comme un lointain mirage 12
Entre le ciel et vous, soutenant le courage. 12
On s'en remet à Dieu qui peut nous secourir. 12
On est bien résolu de vaincre ou de mourir. 12
Chacun marche, obéit au signal des batailles, 12
10 Et suit son général, son drapeau ! — Les broussailles, 12
Les torrens, les ruisseaux, on les franchit toujours. 12
Mais j'entends la trompette et des roulemens sourds… 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le sol soudain vacille ! Et la terre tremblante 12
Frémit de toute part d'horreur et d'épouvante ; 12
15 Une voix formidable éclate dans les airs 12
Elle gronde, elle tonne, au milieu des éclairs ! 12
La foudre est déchaînée ; elle tombe, elle frappe, 12
Elle abat les soldats ! — Telle on voit une grappe 12
Écrasée à moitié sous le choc des grêlons ; 12
20 Tels encor des épis couchés sur les sillons ! 12
Là-bas, les lourds affûts, les caissons qu'on amène, 12
A force de chevaux, tous harassés de peine. 12
Le feu va redoubler ; et des monceaux de morts 12
Témoigneront demain de ces nouveaux efforts. 12
25 Regardez-la crouler la vivante muraille 12
Qui s'effondre en criant sous un coup de mitraille. 12
Le courage est vaincu ! les drapeaux déchirés ! 12
La foudre des combats a détruit les carrés ! 12
En vain ramène-t-on les fuyards sur la route : 12
30 « Sauve, sauve qui peut ! » c'est plus qu'une déroute ! 12
Un souffle d'épouvante avait passé sur eux ; 12
Ils couraient, ils hurlaient, sur les chemins poudreux, 12
Jetant dans les fossés, dans les blés, dans les herbes, 12
Leurs sabres, leurs fusils et leurs drapeaux superbes ! 12
35 « Sauve, sauve qui peut ! » et bientôt les fuyards 12
Sont arrêtés au loin et pris par les hussards. 12
Sonnez, sonnez clairons, annoncez la victoire, 12
Allez et recueillez les lauriers de la gloire ; 12
Emmenez dans vos forts des chaînes de captifs ; 12
40 Ils marchent abattus, consternés et pensifs ! 12
A Metz, comme à Sédan, partout on capitule ! 12
Et l'on trahit peut-être ? — En tout cas on recule. — 12
Pauvres femmes, où sont vos frères, vos maris ? 12
— Dans ce cercle étouffant qui resserre Paris ! 12
45 Les autres prisonniers dans un fort de Bavière, 12
Ou bien à l'hôpital, ou bien sur la civière ! 12
Que savons-nous, hélas ! Que savons-nous d'ailleurs ? 12
Non, nous ne savons rien et de là tous nos pleurs ! 12
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