VI |
LA DÉFAITE |
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Ah ! quel frémissement dans le corps d'une armée |
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Qui marche au premier feu, sous des flots de fumée, |
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Dans ce premier élan, oh ! comme il bat le cœur, |
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Personne n'est vaincu, personne n'est vainqueur ! |
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La victoire apparaît comme un lointain mirage |
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Entre le ciel et vous, soutenant le courage. |
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On s'en remet à Dieu qui peut nous secourir. |
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On est bien résolu de vaincre ou de mourir. |
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Chacun marche, obéit au signal des batailles, |
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Et suit son général, son drapeau ! — Les broussailles, |
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Les torrens, les ruisseaux, on les franchit toujours. |
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Mais j'entends la trompette et des roulemens sourds… |
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Le sol soudain vacille ! Et la terre tremblante |
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Frémit de toute part d'horreur et d'épouvante ; |
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Une voix formidable éclate dans les airs |
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Elle gronde, elle tonne, au milieu des éclairs ! |
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La foudre est déchaînée ; elle tombe, elle frappe, |
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Elle abat les soldats ! — Telle on voit une grappe |
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Écrasée à moitié sous le choc des grêlons ; |
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Tels encor des épis couchés sur les sillons ! |
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Là-bas, les lourds affûts, les caissons qu'on amène, |
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A force de chevaux, tous harassés de peine. |
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Le feu va redoubler ; et des monceaux de morts |
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Témoigneront demain de ces nouveaux efforts. |
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Regardez-la crouler la vivante muraille |
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Qui s'effondre en criant sous un coup de mitraille. |
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Le courage est vaincu ! les drapeaux déchirés ! |
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La foudre des combats a détruit les carrés ! |
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En vain ramène-t-on les fuyards sur la route : |
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« Sauve, sauve qui peut ! » c'est plus qu'une déroute ! |
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Un souffle d'épouvante avait passé sur eux ; |
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Ils couraient, ils hurlaient, sur les chemins poudreux, |
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Jetant dans les fossés, dans les blés, dans les herbes, |
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Leurs sabres, leurs fusils et leurs drapeaux superbes ! |
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« Sauve, sauve qui peut ! » et bientôt les fuyards |
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Sont arrêtés au loin et pris par les hussards. |
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Sonnez, sonnez clairons, annoncez la victoire, |
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Allez et recueillez les lauriers de la gloire ; |
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Emmenez dans vos forts des chaînes de captifs ; |
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Ils marchent abattus, consternés et pensifs ! |
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A Metz, comme à Sédan, partout on capitule ! |
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Et l'on trahit peut-être ? — En tout cas on recule. — |
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Pauvres femmes, où sont vos frères, vos maris ? |
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— Dans ce cercle étouffant qui resserre Paris ! |
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Les autres prisonniers dans un fort de Bavière, |
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Ou bien à l'hôpital, ou bien sur la civière ! |
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Que savons-nous, hélas ! Que savons-nous d'ailleurs ? |
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Non, nous ne savons rien et de là tous nos pleurs ! |
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