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VRM_1/VRM4
corpus Pamela Puntel
Louis-Lucien VERMEIL
LES DOULEURS DE LA GUERRE
1870
IV
LA FOSSE ET L'AMBULANCE
Tuer, tuer toujours, c'est là toute la guerre ; 12
Mais tous ces morts, hélas ! il faut qu'on les enterre. 12
Aussi, loin du bivac, on creusait, dans un champ, 12
Un énorme fossé. Dans ce lieu point de chant, 12
5 Point de cri, non pas un ; mais un morne silence. 12
Au sentier, près d'ici, se trouve une ambulance. 12
On creuse le fossé bien large et bien profond ; 12
Les soldats travailleurs disparaissent au fond. 12
Serviteurs de la mort, ils vont à coups de bèche 12
10 Fouillant, sans s'arrêter, dans une terre sèche. 12
Quel immense sépulcre ! — Enfin, l'on dit : « Assez, 12
Sortez les fossoyeurs. » — Ils étaient harassés ! 12
O calme de la nuit, calme de là nature, 12
Tu seras le témoin de cette sépulture. 12
15 Voici, sur des brancards on apporte les morts ; 12
Et puis l'un après l'autre on dépouille les corps, 12
Avant de les coucher dans la fosse commune ! 12
On n'avait pour clarté que celle de la lune ; 12
Car autant rien vraiment que les rayons blafards 12
20 D'une lanterne ou deux pour guider nos regards ! 12
L'aumônier répandait tout son cœur en prière, 12
Il essuyait parfois le bord de sa paupière. 12
On achevait la tâche ; il ne restait qu'un corps : 12
C'était un officier tombé parmi les morts. 12
25 A son tour, on allait le ranger dans la fosse, 12
Quand soudain l'officier, — oh ! mon Dieu, c'est atroce ! — 12
Se soulevant un peu, dit d'une faible voix : 12
« Attendez, pas encore1 ! »
Est-ce la seule fois
Qu'un fossoyeur se trompe ?
Évanoui, tout blême,
30 Plus d'un n'a pu parler dans ce moment suprême ! 12
Faut-il donc les laisser tous ces monceaux humains 12
Pourrir sur les coteaux, pourrir sur les chemins ? 12
Faut-il donc les laisser tous là sans sépulture, 12
La peste des vivants, l'effroi de la nature ? 12
35 Quand on est si pressé pour enterrer les morts, 12
Qui se trompe une fois n'a pas trop de remords ?… 12
Oui, ce sont là, grand Dieu ! les horreurs de la guerre ! 12
Mon cœur en est brisé ; mon âme se lacère ; 12
D'ailleurs on sait encor que, la nuit, des pillards, — 12
40 On en surprit, je crois, qui portaient des brassards, — 12
Des pillards, des voleurs, sur les champs de bataille, 12
Parcourent les sillons, les sentiers, la broussaille ; 12
Ils dépouillent les morts, achèvent les mourants, 12
Et dans l'ombre des bois cachent leurs pas errants ! 12
45 Près de ce champ funèbre, on trouve l'ambulance, 12
Au-dessus l'étendard de la croix se balance. 12
Saint asile de paix, au milieu des combats, 12
Refuge des blessés qu'on arrache au trépas ! 12
Et là, les infirmiers, troupe sûre et fidèle, 12
50 Prodiguent aux soldats tous leurs soins, tout leur zèle. 12
Qu'il est beau cet asile, — œuvre de charité, — 12
Au pied de cette croix et par elle abrité ! 12
C'est par là seulement que le siècle s'honore, 12
C'est par là qu'il grandit et doit grandir encore ! 12
55 Et puis, sous l'étendard de cette sainte croix, 12
Partout, femmes de cœur, nombreuses je vous vois 12
Veiller près des chevets, et de vos mains tremblantes 12
Assister les mourants, comme d'humbles servantes. 12
Ah ! quand pour tous les maux vous avez des douceurs, 12
60 O femmes ! de Jésus vous êtes bien les sœurs ! 12
Historique
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