Métrique en Ligne
VOL_4/VOL95
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XLIII
1734
À MONSIEUR
C'est ici que l'on dort sans lit, 8
Et qu'on prend ses repas par terre ; 8
Je vois et j'entends l'atmosphère 8
Qui s'embrase et qui retentit 8
5 De cent décharges de tonnerre ; 8
Et dans ces horreurs de la guerre 8
Le français chante, boit, et rit. 8
Bellone va réduire en cendres 8
Les courtines de Philisbourg, 8
10 Par cinquante mille Alexandres 8
Payés à quatre sous par jour : 8
Je les vois, prodiguant leur vie, 8
Chercher ces combats meurtriers, 8
Couverts de fange et de lauriers, 8
15 Et pleins d'honneur et de folie. 8
Je vois briller au milieu d'eux 8
Ce fantôme nommé la gloire, 8
À l'œil superbe, au front poudreux, 8
Portant au cou cravate noire, 8
20 Ayant sa trompette en sa main, 8
Sonnant la charge et la victoire, 8
Et chantant quelques airs à boire, 8
Dont ils répètent le refrain. 8
Ô nation brillante et vaine ! 8
25 Illustres fous, peuple charmant, 8
Que la gloire à son char enchaîne, 8
Il est beau d'affronter gaîment 8
Le trépas et le prince Eugène. 8
Mais, hélas ! Quel sera le prix 8
30 De vos héroïques prouesses ! 8
Vous serez cocus dans Paris 8
Par vos femmes et vos maîtresses. 8
logo du CRISCO logo de l'université