Métrique en Ligne
VOL_4/VOL94
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XLII
1734
À MADEMOISELLE DE GUISE,
SUR SON MARIAGE AVEC LE DUC DE RICHELIEU
Un prêtre, un oui, trois mots latins, 8
À jamais fixent vos destins ; 8
Et le célébrant d'un village, 8
Dans la chapelle de Montjeu, 8
5 Très-chrétiennement vous engage 8
À coucher avec Richelieu, 8
Avec Richelieu, ce volage, 8
Qui va jurer par ce saint nœud 8
D'être toujours fidèle et sage. 8
10 Nous nous en défions un peu ; 8
Et vos grands yeux noirs, pleins de feu, 8
Nous rassurent bien davantage 8
Que les serments qu'il fait à Dieu. 8
Mais vous, madame la duchesse, 8
15 Quand vous reviendrez à Paris, 8
Songez-vous combien de maris 8
Viendront se plaindre à votre altesse ? 8
Ces nombreux cocus qu'il a faits 8
Ont mis en vous leur espérance ; 8
20 Ils diront, voyant vos attraits : 8
« Dieux ! Quel plaisir que la vengeance ! » 8
Vous sentez bien qu'ils ont raison, 8
Et qu'il faut punir le coupable : 8
L'heureuse loi du talion 8
25 Est des lois la plus équitable. 8
Quoi ! Votre cœur n'est point rendu ? 8
Votre sévérité me gronde ! 8
Ah ! Quelle espèce de vertu 8
Qui fait enrager tout le monde ! 8
30 Faut-il donc que de vos appas 8
Richelieu soit l'unique maître ? 8
Est-il dit qu'il ne sera pas 8
Ce qu'il a tant mérité d'être ? 8
Soyez donc sage, s'il le faut ; 8
35 Que ce soit là votre chimère : 8
Avec tous les talents de plaire, 8
Il faut bien avoir un défaut. 8
Dans cet emploi noble et pénible 8
De garder ce qu'on nomme honneur, 8
40 Je vous souhaite un vrai bonheur : 8
Mais voilà la chose impossible. 8
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