Métrique en Ligne
VOL_4/VOL73
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XXI
1721
A MONSIEUR LE MARÉCHAL DE VILLARS
Je me flattais de l'espérance 8
D'aller goûter quelque repos 8
Dans votre maison de plaisance ; 8
Mais Vinache a ma confiance, 8
5 Et j'ai donné la préférence 8
Sur le plus grand de nos héros 8
Au plus grand charlatan de France. 8
Ce discours vous déplaira fort ; 8
Et je confesse que j'ai tort 8
10 De parler du soin de ma vie 8
À celui qui n'eut d'autre envie 8
Que de chercher partout la mort. 8
Mais souffrez que je vous réponde, 8
Sans m'attirer votre courroux, 8
15 Que j'ai plus de raisons que vous 8
De vouloir rester dans ce monde ; 8
Car si quelque coup de canon, 8
Dans vos beaux jours brillants de gloire, 8
Vous eût envoyé chez Pluton, 8
20 Voyez la consolation 8
Que vous auriez dans la nuit noire, 8
Lorsque vous sauriez la façon 8
Dont vous aurait traité l'histoire ! 8
Paris vous eût premièrement 8
25 Fait un service fort célèbre, 8
En présence du parlement ; 8
Et quelque prélat ignorant 8
Aurait prononcé hardiment 8
Une longue oraison funèbre, 8
30 Qu'il n'eût pas faite assurément. 8
Puis, en vertueux capitaine, 8
On vous aurait proprement mis 8
Dans l'église de Saint-Denis, 8
Entre Du Guesclin et Turenne. 8
35 Mais si quelque jour, moi chétif, 8
J'allais passer le noir esquif, 8
Je n'aurais qu'une vile bière ; 8
Deux prêtres s'en iraient gaîment 8
Porter ma figure légère, 8
40 Et la loger mesquinement 8
Dans un recoin du cimetière. 8
Mes nièces, au lieu de prière, 8
Et mon janséniste de frère, 8
Riraient à mon enterrement ; 8
45 Et j'aurais l'honneur seulement 8
Que quelque muse médisante 8
M'affublerait, pour monument, 8
D'une épitaphe impertinente. 8
Vous voyez donc très-clairement 8
50 Qu'il est bon que je me conserve, 8
Pour être encor témoin longtemps 8
De tous les exploits éclatants 8
Que le seigneur Dieu vous réserve. 8
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