Métrique en Ligne
VOL_4/VOL61
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE IX
1716
À MADAME DE GONDRIN,
SUR LE PÉRIL QU'ELLE AVAIT COURU
EN TRAVERSANT LA LOIRE
Savez-vous, gentille douairière, 9
Ce que dans Sully l'on faisait 8
Lorsqu'Éole vous conduisait 8
D'une si terrible manière ? 8
5 Le malin Périgny riait, 8
Et pour vous déjà préparait 8
Une épitaphe familière, 8
Disant qu'on vous repêcherait 8
Incessamment dans la rivière, 8
10 Et qu'alors il observerait 8
Ce que votre humeur un peu fière 8
Sans ce hasard lui cacherait. 8
Cependant L'Espar, La Vallière, 8
Guiche, Sully, tout soupirait ; 8
15 Roussy parlait peu, mais jurait ; 8
Et l'abbé Courtin, qui pleurait 8
En voyant votre heure dernière, 8
Adressait à Dieu sa prière, 8
Et pour vous tout bas murmurait 8
20 Quelque oraison de son bréviaire, 8
Qu'alors, contre son ordinaire, 8
Dévotement il fredonnait, 8
Dont à peine il se souvenait, 8
Et que même il n'entendait guère. 8
25 Chacun déjà vous regrettait. 8
Mais quel spectacle j'envisage ! 8
Les amours qui, de tous côtés, 8
Ministres de vos volontés, 8
S'opposent à l'affreuse rage 8
30 Des vents contre vous irrités. 8
Je les vois ; ils sont à la nage, 8
Et plongés jusqu'au cou dans l'eau ; 8
Ils conduisent votre bateau, 8
Et vous voilà sur le rivage. 8
35 Gondrin, songez à faire usage 8
Des jours qu'amour a conservés ; 8
C'est pour lui qu'il les a sauvés : 8
Il a des droits sur son ouvrage. 8
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