Métrique en Ligne
VOL_4/VOL149
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE XCVII
1766
À MONSIEUR LE CHEVALIER DE BOUFFLERS
Croyez qu'un vieillard cacochyme, 8
Chargé de soixante et douze ans, 8
Doit mettre, s'il a quelque sens, 8
Son âme et son corps au régime. 8
5 Dieu fit la douce illusion 8
Pour les heureux fous du bel âge ; 8
Pour les vieux fous l'ambition, 8
Et la retraite pour le sage. 8
Vous me direz qu'Anacréon, 8
10 Que Chaulieu même, et Saint-Aulaire, 8
Tiraient encor quelque chanson 8
De leur cervelle octogénaire. 8
Mais ces exemples sont trompeurs ; 8
Et quand les derniers jours d'automne 8
15 Laissent éclore quelques fleurs, 8
On ne leur voit point les couleurs 8
Et l'éclat que le printemps donne : 8
Les bergères et les pasteurs 8
N'en forment point une couronne. 8
20 La Parque, de ses vilains doigts, 8
Marquait d'un sept avec un trois 8
La tête froide et peu pensante 8
De Fleury, qui donna les lois 8
À notre France languissante. 8
25 Il porta le sceptre des rois, 8
Et le garda jusqu'à nonante. 8
Régner est un amusement 8
Pour un vieillard triste et pesant, 8
De toute autre chose incapable ; 8
30 Mais vieux bel esprit, vieux amant, 8
Vieux chanteur, est insupportable. 8
C'est à vous, ô jeune Boufflers, 8
À vous, dont notre Suisse admire 8
Le crayon, la prose, et les vers, 8
35 Et les petits contes pour rire ; 8
C'est à vous de chanter Thémire, 8
Et de briller dans un festin, 8
Animé du triple délire 8
Des vers, de l'amour, et du vin. 8
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