Métrique en Ligne
VOL_4/VOL131
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE LXXIX
1749
À MONSIEUR DE SAINT-LAMBERT
Tandis qu'au-dessus de la terre, 8
Des aquilons et du tonnerre, 8
La belle amante de Newton 8
Dans les routes de la lumière 8
5 Conduit le char de Phaéton, 8
Sans verser dans cette carrière, 8
Nous attendons paisiblement, 8
Près de l'onde castalienne, 8
Que notre héroïne revienne 8
10 De son voyage au firmament ; 8
Et nous assemblons pour lui plaire, 8
Dans ces vallons et dans ces bois, 8
Les fleurs dont Horace autrefois 8
Faisait des bouquets pour Glycère. 8
15 Saint-Lambert, ce n'est que pour toi 8
Que ces belles fleurs sont écloses ; 8
C'est ta main qui cueille les roses, 8
Et les épines sont pour moi. 8
Ce vieillard chenu qui s'avance, 8
20 Le temps, dont je subis les lois, 8
Sur ma lyre a glacé mes doigts, 8
Et des organes de ma voix 8
Fait trembler la sourde cadence. 8
Les grâces dans ces beaux vallons, 8
25 Les dieux de l'amoureux délire, 8
Ceux de la flûte et de la lyre, 8
T'inspirent tes aimables sons, 8
Avec toi dansent aux chansons, 8
Et ne daignent plus me sourire. 8
30 Dans l'heureux printemps de tes jours 8
Des dieux du Pinde et des amours 8
Saisis la faveur passagère ; 8
C'est le temps de l'illusion. 8
Je n'ai plus que de la raison : 8
35 Encore, hélas ! N'en ai-je guère. 8
Mais je vois venir sur le soir, 8
Du plus haut de son aphélie, 8
Notre astronomique Émilie 8
Avec un vieux tablier noir, 8
40 Et la main d'encre encor salie. 8
Elle a laissé là son compas, 8
Et ses calculs, et sa lunette ; 8
Elle reprend tous ses appas : 8
Porte-lui vite à sa toilette 8
45 Ces fleurs qui naissent sous tes pas, 8
Et chante-lui sur ta musette 8
Ces beaux airs que l'amour répète, 8
Et que Newton ne connut pas. 8
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