Métrique en Ligne
VOL_4/VOL127
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
LES ÉPÎTRES
1706-1778
ÉPÎTRE LXXV
À MONSIEUR LE MARÉCHAL DE SAXE,
EN LUI ENVOYANT LES ŒUVRES DE
M. LE MARQUIS DE ROCHEMORE, SON ANCIEN AMI,
MORT DEPUIS PEU.
(Ce dernier est supposé lui faire un envoi de l'autre monde.)
Je goûtais dans ma nuit profonde 8
Les froides douceurs du repos, 8
Et m'occupais peu des héros 8
Qui troublent le repos du monde ; 8
5 Mais dans nos champs élysiens 8
Je vois une troupe en colère 8
De fiers bretons, d'autrichiens, 8
Qui vous maudit et vous révère ; 8
Je vois des français éventés, 8
10 Qui tous se flattent de vous plaire, 8
Et qui sont encore entêtés 8
De leurs plaisirs et de leur gloire, 8
Car ils sont morts à vos côtés 8
Entre les bras de la victoire. 8
15 Enfin dans ces lieux tout m'apprend 8
Que celui que je vis à table 8
Gai, doux, facile, complaisant, 8
Et des humains le plus aimable, 8
Devient aujourd'hui le plus grand. 8
20 J'allais vous faire un compliment ; 8
Mais, parmi les choses étranges 8
Qu'on dit à la cour de Pluton, 8
On prétend que ce fier saxon 8
S'enfuit au seul bruit des louanges, 8
25 Comme l'anglais fuit à son nom. 8
Lisez seulement mes folies, 8
Mes vers, qui n'ont loué jamais 8
Que les trop dangereux attraits 8
Du dieu du vin et des sylvies : 8
30 Ces sujets ont toujours tenté 8
Les héros de l'antiquité 8
Comme ceux du siècle où nous sommes : 8
Pour qui sera la volupté, 8
S'il en faut priver les grands hommes ? 8
logo du CRISCO logo de l'université