CHANT DIXIÈME |
ARGUMENT
Retour du roi à son armée : il recommence le siège. Combat
singulier du vicomte de Turenne et du chevalier d’Aumale.
Famine horrible qui désole la ville. Le roi nourrit lui-même
les habitants qu’il assiège. Le ciel récompense enfin ses vertus.
La vérité vient l’éclairer. Paris lui ouvre ses portes, et
la guerre est finie.
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Ces moments dangereux, perdus dans la mollesse, |
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Avaient fait aux vaincus oublier leur faiblesse. |
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À de nouveaux exploits Mayenne est préparé ; |
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D’un espoir renaissant le peuple est enivré. |
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5 |
Leur espoir les trompait : Bourbon, que rien n’arrête, |
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Accourt, impatient d’achever sa conquête. |
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Paris épouvanté revit ses étendards ; |
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Le héros reparut au pied de ses remparts, |
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De ces mêmes remparts où fume encor sa foudre, |
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Et qu’à réduire en cendre il ne put se résoudre, |
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Quand l’ange de la France, apaisant son courroux, |
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Retint son bras vainqueur, et suspendit ses coups. |
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Déjà le camp du roi jette des cris de joie ; |
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D’un œil d’impatience il dévorait sa proie. |
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Les ligueurs cependant, d’un juste effroi troublés, |
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Près du prudent Mayenne étaient tous rassemblés. |
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Là, d’Aumale, ennemi de tout conseil timide, |
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Leur tenait fièrement ce langage intrépide : |
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« Nous n’avons point encore appris à nous cacher ; |
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L’ennemi vient à nous : c’est là qu’il faut marcher, |
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C’est là qu’il faut porter une fureur heureuse. |
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Je connais des Français la fougue impétueuse ; |
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L’ombre de leurs remparts affaiblit leur vertu : |
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Le Français qu’on attaque est à demi vaincu. |
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25 |
Souvent le désespoir a gagné des batailles ; |
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J’attends tout de nous seuls, et rien de nos murailles. |
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Héros qui m’écoutez, volez aux champs de Mars ; |
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Peuples qui nous suivez, vos chefs sont vos remparts. » |
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Il se tut à ces mots : les ligueurs en silence |
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Semblaient de son audace accuser l’imprudence. |
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Il en rougit de honte, et dans leurs yeux confus |
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Il lut, en frémissant, leur crainte et leur refus. |
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« Eh bien ! poursuivit-il, si vous n’osez me suivre, |
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Français, à cet affront je ne veux point survivre. |
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35 |
Vous craignez les dangers ; seul je m’y vais offrir, |
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Et vous apprendre à vaincre, ou du moins a mourir. » |
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De Paris à l’instant il fait ouvrir la porte ; |
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Du peuple qui l’entoure il éloigne l’escorte ; |
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Il s’avance : un héraut, ministre des combats, |
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40 |
Jusqu’aux tentes du roi marche devant ses pas, |
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Et crie à haute voix : « Quiconque aime la gloire, |
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Qu’il dispute en ces lieux l’honneur de la victoire : |
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D’Aumale vous attend ; ennemis, paraissez. » |
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Tous les chefs, à ces mots, d’un beau zèle poussés, |
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45 |
Voulaient contre d’Aumale essayer leur courage : |
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Tous briguaient près du roi cet illustre avantage ; |
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Tous avaient mérité ce prix de la valeur : |
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Mais le vaillant Turenne emporta cet honneur. |
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Le roi mit dans ses mains la gloire de la France. |
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50 |
« Va, dit-il, d’un superbe abaisser l’insolence ; |
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Combats pour ton pays, pour ton prince, et pour toi, |
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Et reçois, en partant, les armes de ton roi. » |
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Le héros, à ces mots, lui donne son épée. |
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« Votre attente, ô grand roi ! ne sera point trompée, |
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55 |
Lui répondit Turenne embrassant ses genoux : |
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J’en atteste ce fer, et j’en jure par vous. » |
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Il dit. Le roi l’embrasse, et Turenne s’élance |
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Vers l’endroit où d’Aumale, avec impatience, |
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Attendait qu’à ses yeux un combattant parût. |
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60 |
Le peuple de Paris aux remparts accourut ; |
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Les soldats de Henri près de lui se rangèrent : |
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Sur les deux combattants tous les yeux s’attachèrent : |
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Chacun, dans l’un des deux voyant son défenseur, |
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Du geste et de la voix excitait sa valeur. |
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65 |
Cependant sur Paris s’élevait un nuage |
12 |
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Qui semblait apporter le tonnerre et l’orage ; |
12 |
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Ses flancs noirs et brûlants, tout à coup entr’ouverts, |
12 |
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Vomissent dans ces lieux les monstres des enfers, |
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Le Fanatisme affreux, la Discorde farouche, |
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70 |
La sombre Politique au cœur faux, à l’œil louche, |
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Le démon des combats respirant les fureurs, |
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Dieux enivrés de sang, dieux dignes des ligueurs. |
12 |
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Aux remparts de la ville ils fondent, ils s’arrêtent ; |
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En faveur de d’Aumale au combat ils s’apprêtent. |
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75 |
Voilà qu’au même instant, du haut des cieux ouverts, |
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Un ange est descendu sur le trône des airs, |
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Couronné de rayons, nageant dans la lumière, |
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Sur des ailes de feu parcourant sa carrière, |
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Et laissant loin de lui l’occident éclairé |
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80 |
Des sillons lumineux dont il est entouré. |
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Il tenait d’une main cette olive sacrée, |
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Présage consolant d’une paix désirée ; |
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Dans l’autre étincelait ce fer d’un Dieu vengeur, |
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Ce glaive dont s’arma l’ange exterminateur, |
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85 |
Quand jadis le Très-Haut à la Mort dévorante |
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Livra les premiers nés d’une race insolente. |
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À l’aspect de ce glaive, interdits, désarmés, |
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Les monstres infernaux semblent inanimés ; |
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La terreur les enchaîne ; un pouvoir invincible |
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90 |
Fait tomber tous les traits de leur troupe inflexible. |
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Ainsi de son autel teint du sang des humains |
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Tomba ce fier Dagon, ce dieu des Philistins, |
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Lorsque de l’Éternel, en son temple apportée, |
12 |
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À ses yeux éblouis l’arche fut présentée. |
12 |
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95 |
Paris, le roi, l’armée, et l’enfer, et les cieux, |
12 |
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Sur ce combat illustre avaient fixé les yeux. |
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Bientôt les deux guerriers entrent dans la carrière. |
12 |
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Henri du champ d’honneur leur ouvre la barrière. |
12 |
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Leur bras n’est point chargé du poids d’un bouclier ; |
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100 |
Ils ne se cachent point sous ces bustes d’acier, |
12 |
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Des anciens chevaliers ornement honorable, |
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Éclatant à la vue, aux coups impénétrable : |
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Ils négligent tous deux cet appareil qui rend |
12 |
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Et le combat plus long, et le danger moins grand. |
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105 |
Leur arme est une épée ; et, sans autre défense, |
12 |
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Exposé tout entier, l’un et l’autre s’avance. |
12 |
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« Ô Dieu ! cria Turenne, arbitre de mon roi, |
12 |
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Descends, juge sa cause, et combats avec moi ; |
12 |
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Le courage n’est rien sans ta main protectrice ; |
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110 |
J’attends peu de moi-même, et tout de ta justice. » |
12 |
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D’Aumale répondit : « J’attends tout de mon bras ; |
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C’est de nous que dépend le destin des combats : |
12 |
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En vain l’homme timide implore un Dieu suprême ; |
12 |
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Tranquille au haut du ciel, il nous laisse à nous-même : |
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115 |
Le parti le plus juste est celui du vainqueur ; |
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Et le dieu de la guerre est la seule valeur. » |
12 |
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Il dit ; et, d’un regard enflammé d’arrogance, |
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Il voit de son rival la modeste assurance. |
12 |
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Mais la trompette sonne : ils s’élancent tous deux ; |
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120 |
Ils commencent enfin ce combat dangereux. |
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Tout ce qu’ont pu jamais la valeur et l’adresse, |
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L’ardeur, la fermeté, la force, la souplesse, |
12 |
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Parut des deux côtés en ce choc éclatant. |
12 |
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Cent coups étaient portés et parés à l’instant. |
12 |
125 |
Tantôt avec fureur l’un d’eux se précipite ; |
12 |
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L’autre d’un pas léger se détourne, et l’évite : |
12 |
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Tantôt, plus rapprochés, ils semblent se saisir ; |
12 |
|
Leur péril renaissant donne un affreux plaisir ; |
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On se plaît à les voir s’observer et se craindre, |
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130 |
Avancer, s’arrêter, se mesurer, s’atteindre : |
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Le fer étincelant, avec art détourné, |
12 |
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Par de feints mouvements trompe l’œil étonné. |
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Telle on voit du soleil la lumière éclatante |
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Briser ses traits de feu dans l’onde transparente, |
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135 |
Et, se rompant encor par des chemins divers, |
12 |
|
De ce cristal mouvant repasser dans les airs. |
12 |
|
Le spectateur surpris, et ne pouvant le croire, |
12 |
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Voyait à tout moment leur chute et leur victoire. |
12 |
|
D’Aumale est plus ardent, plus fort, plus furieux : |
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140 |
Turenne est plus adroit, et moins impétueux ; |
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|
Maître de tous ses sens, animé sans colère, |
12 |
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Il fatigue à loisir son terrible adversaire. |
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|
D’Aumale en vains efforts épuise sa vigueur : |
12 |
|
Bientôt son bras lassé ne sert plus sa valeur. |
12 |
145 |
Turenne, qui l’observe, aperçoit sa faiblesse ; |
12 |
|
Il se ranime alors, il le pousse, il le presse ; |
12 |
|
Enfin, d’un coup mortel, il lui perce le flanc. |
12 |
|
D’Aumale est renversé dans les flots de son sang : |
12 |
|
Il tombe, et de l’enfer tous les monstres frémirent ; |
12 |
150 |
Ces lugubres accents dans les airs s’entendirent : |
12 |
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« De la Ligue à jamais le trône est renversé ; |
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|
Tu l’emportes, Bourbon ; notre règne est passé. » |
12 |
|
Tout le peuple y répond par un cri lamentable. |
12 |
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D’Aumale sans vigueur, étendu sur le sable, |
12 |
155 |
Menace encor Turenne, et le menace en vain ; |
12 |
|
Sa redoutable épée échappe de sa main : |
12 |
|
Il veut parler : sa voix expire dans sa bouche. |
12 |
|
L’horreur d’être vaincu rend son air plus farouche. |
12 |
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Il se lève, il retombe, il ouvre un œil mourant, |
12 |
160 |
Il regarde Paris, et meurt en soupirant. |
12 |
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Tu le vis expirer, infortuné Mayenne ; |
12 |
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Tu le vis ; tu frémis ; et ta chute prochaine |
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Dans ce moment affreux s’offrit à tes esprits. |
12 |
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|
Cependant des soldats dans les murs de Paris |
12 |
165 |
Rapportaient à pas lents le malheureux d’Aumale. |
12 |
|
Ce spectacle sanglant, cette pompe fatale |
12 |
|
Entre au milieu d’un peuple interdit, égaré : |
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|
Chacun voit, en tremblant, ce corps défiguré, |
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|
Ce front souillé de sang, cette bouche entr’ouverte, |
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170 |
Cette tête penchée, et de poudre couverte, |
12 |
|
Ces yeux où le trépas étale ses horreurs. |
12 |
|
On n’entend point de cris, on ne voit point de pleurs : |
12 |
|
La honte, la pitié, l’abattement, la crainte, |
12 |
|
Étouffent leurs sanglots, et retiennent leur plainte : |
12 |
175 |
Tout se tait, et tout tremble. Un bruit rempli d’horreur |
12 |
|
Bientôt de ce silence augmente la terreur. |
12 |
|
Les cris des assiégeants jusqu’au ciel s’élevèrent ; |
12 |
|
Les chefs et les soldats près du roi s’assemblèrent ; |
12 |
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Ils demandent l’assaut : mais l’auguste Louis, |
12 |
180 |
Protecteur des Français, protecteur de son fils, |
12 |
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Modérait de Henri le courage terrible. |
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Ainsi des éléments le moteur invisible |
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Contient les aquilons suspendus dans les airs, |
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Et pose la barrière où se brisent les mers : |
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185 |
Il fonde les cités, les disperse en ruines, |
12 |
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Et les cœurs des mortels sont dans ses mains divines. |
12 |
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Henri, de qui le ciel a réprimé l’ardeur, |
12 |
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Des guerriers qu’il gouverne enchaîne la fureur. |
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Il sentit qu’il aimait son ingrate patrie ; |
12 |
190 |
Il voulut la sauver de sa propre furie. |
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Haï de ses sujets, prompt à les épargner, |
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Eux seuls voulaient se perdre ; il les voulut gagner. |
12 |
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Heureux si sa bonté, prévenant leur audace, |
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Forçait ces malheureux à lui demander grâce. |
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195 |
Pouvant les emporter, il les fait investir ; |
12 |
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Il laisse à leur fureur le temps du repentir. |
12 |
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Il crut que, sans assauts, sans combats, sans alarmes, |
12 |
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La disette et la faim, plus fortes que ses armes, |
12 |
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Lui livreraient sans peine un peuple inanimé, |
12 |
200 |
Nourri dans l’abondance, au luxe accoutumé ; |
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Qui, vaincu par ses maux, souple dans l’indigence, |
12 |
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Viendrait à ses genoux implorer sa clémence : |
12 |
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Mais le faux Zèle, hélas ! qui ne saurait céder, |
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Enseigne à tout souffrir, comme à tout hasarder. |
12 |
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205 |
Les mutins, qu’épargnait cette main vengeresse, |
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|
Prenaient d’un roi clément la Vertu pour faiblesse ; |
12 |
|
Et, fiers de ses bontés, oubliant sa valeur, |
12 |
|
Ils défiaient leur maître, ils bravaient leur vainqueur ; |
12 |
|
Ils osaient insulter à sa vengeance oisive. |
12 |
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210 |
Mais lorsqu’enfin les eaux de la Seine captive |
12 |
|
Cessèrent d’apporter dans ce vaste séjour |
12 |
|
L’ordinaire tribut des moissons d’alentour ; |
12 |
|
Quand on vit dans Paris la Faim pâle et cruelle, |
12 |
|
Montrant déjà la Mort qui marchait après elle ; |
12 |
215 |
Alors on entendit des hurlements affreux ; |
12 |
|
Ce superbe Paris fut plein de malheureux |
12 |
|
De qui la main tremblante, et la voix affaiblie, |
12 |
|
Demandaient vainement le soutien de leur vie. |
12 |
|
Bientôt le riche même, après de vains efforts, |
12 |
220 |
Éprouva la famine au milieu des trésors. |
12 |
|
Ce n’était plus ces jeux, ces festins, et ces fêtes, |
12 |
|
Où de myrte et de rose ils couronnaient leurs têtes ; |
12 |
|
Où, parmi des plaisirs toujours trop peu goûtés, |
12 |
|
Les vins les plus parfaits, les mets les plus vantés, |
12 |
225 |
Sous des lambris dorés qu’habite la Mollesse, |
12 |
|
De leurs goûts dédaigneux irritaient la paresse. |
12 |
|
On vit avec effroi tous ces voluptueux, |
12 |
|
Pâles, défigurés, et la mort dans les yeux, |
12 |
|
Périssant de misère au sein de l’opulence, |
12 |
230 |
Détester de leurs biens l’inutile abondance. |
12 |
|
Le vieillard, dont la faim va terminer les jours, |
12 |
|
Voit son fils au berceau, qui périt sans secours. |
12 |
|
Ici meurt dans la rage une famille entière. |
12 |
|
Plus loin, des malheureux, couchés sur la poussière, |
12 |
235 |
Se disputaient encore, à leurs derniers moments, |
12 |
|
Les restes odieux des plus vils aliments. |
12 |
|
Ces spectres affamés, outrageant la nature, |
12 |
|
Vont au sein des tombeaux chercher leur nourriture. |
12 |
|
Des morts épouvantés les ossements poudreux, |
12 |
240 |
Ainsi qu’un pur froment, sont préparés par eux. |
12 |
|
Que n’osent point tenter les extrêmes misères ! |
12 |
|
On les vit se nourrir des cendres de leurs pères. |
12 |
|
Ce détestable mets avança leur trépas, |
12 |
|
Et ce repas pour eux fut le dernier repas. |
12 |
|
245 |
Ces prêtres cependant, ces docteurs fanatiques, |
12 |
|
Qui, loin de partager les misères publiques, |
12 |
|
Bornant à leurs besoins tous leurs soins paternels, |
12 |
|
Vivaient dans l’abondance à l’ombre des autels, |
12 |
|
Du Dieu qu’ils offensaient attestant la souffrance, |
12 |
250 |
Allaient partout du peuple animer la constance. |
12 |
|
Aux uns, à qui la mort allait fermer les yeux, |
12 |
|
Leurs libérales mains ouvraient déjà les cieux ; |
12 |
|
Aux autres ils montraient, d’un coup d’œil prophétique, |
12 |
|
Le tonnerre allumé sur un prince hérétique, |
12 |
255 |
Paris bientôt sauvé par des secours nombreux, |
12 |
|
Et la manne du ciel prête à tomber pour eux. |
12 |
|
Hélas ! ces vains appâts, ces promesses stériles, |
12 |
|
Charmaient ces malheureux, à tromper trop faciles : |
12 |
|
Par les prêtres séduits, par les Seize effrayés, |
12 |
260 |
Soumis, presque contents, ils mouraient à leurs pieds. |
12 |
|
Trop heureux, en effet, d’abandonner la vie ! |
12 |
|
|
D’un ramas d’étrangers la ville était remplie, |
12 |
|
Tigres que nos aïeux nourrissaient dans leur sein, |
12 |
|
Plus cruels que la mort, et la guerre, et la faim. |
12 |
265 |
Les uns étaient venus des campagnes belgiques ; |
12 |
|
Les autres, des rochers et des monts helvétiques ; |
12 |
|
Barbares dont la guerre est l’unique métier, |
12 |
|
Et qui vendent leur sang à qui veut le payer. |
12 |
|
De ces nouveaux tyrans les avides cohortes |
12 |
270 |
Assiègent les maisons, en enfoncent les portes ; |
12 |
|
Aux hôtes effrayés présentent mille morts, |
12 |
|
Non pour leur arracher d’inutiles trésors, |
12 |
|
Non pour aller ravir, d’une main adultère, |
12 |
|
Une fille éplorée à sa tremblante mère ; |
12 |
275 |
De la cruelle faim le besoin consumant |
12 |
|
Fait expirer en eux tout autre sentiment ; |
12 |
|
Et d’un peu d’aliments la découverte heureuse |
12 |
|
Était l’unique but de leur recherche affreuse. |
12 |
|
Il n’est point de tourment, de supplice, et d’horreur, |
12 |
280 |
Que, pour en découvrir, n’inventât leur fureur. |
12 |
|
|
Une femme (grand Dieu ! faut-il à la mémoire |
12 |
|
Conserver le récit de cette horrible histoire ?), |
12 |
|
Une femme avait vu, par ces cœurs inhumains, |
12 |
|
Un reste d’aliment arraché de ses mains. |
12 |
285 |
Des biens que lui ravit la fortune cruelle, |
12 |
|
Un enfant lui restait, prêt à périr comme elle : |
12 |
|
Furieuse, elle approche, avec un coutelas, |
12 |
|
De ce fils innocent qui lui tendait les bras : |
12 |
|
Son enfance, sa voix, sa misère, et ses charmes, |
12 |
290 |
À sa mère en fureur arrachent mille larmes ; |
12 |
|
Elle tourne sur lui son visage effrayé, |
12 |
|
Plein d’amour, de regret, de rage, de pitié ; |
12 |
|
Trois fois le fer échappe à sa main défaillante. |
12 |
|
La rage enfin l’emporte ; et, d’une voix tremblante, |
12 |
295 |
Détestant son hymen et sa fécondité : |
12 |
|
« Cher et malheureux fils que mes flancs ont porté, |
12 |
|
Dit-elle, c’est en vain que tu reçus la vie ; |
12 |
|
Les tyrans ou la faim l’auraient bientôt ravie. |
12 |
|
Et pourquoi vivrais-tu ? Pour aller dans Paris, |
12 |
300 |
Errant et malheureux, pleurer sur ses débris ? |
12 |
|
Meurs, avant de sentir mes maux et ta misère ; |
12 |
|
Rends-moi le jour, le sang, que t’a donné ta mère |
12 |
|
Que mon sein malheureux te serve de tombeau, |
12 |
|
Et que Paris du moins voie un crime nouveau. » |
12 |
305 |
En achevant ces mots, furieuse, égarée, |
12 |
|
Dans les flancs de son fils sa main désespérée |
12 |
|
Enfonce, en frémissant, le parricide acier, |
12 |
|
Porte le corps sanglant auprès de son foyer, |
12 |
|
Et, d’un bras que poussait sa faim impitoyable, |
12 |
310 |
Prépare avidement ce repas effroyable. |
12 |
|
|
Attirés par la faim, les farouches soldats |
12 |
|
Dans ces coupables lieux reviennent sur leurs pas : |
12 |
|
Leur transport est semblable à la cruelle joie |
12 |
|
Des ours et des lions qui fondent sur leur proie ; |
12 |
315 |
À l’envi l’un de l’autre ils courent en fureur, |
12 |
|
Ils enfoncent la porte. Ô surprise ! ô terreur ! |
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Près d’un corps tout sanglant à leurs yeux se présente |
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Une femme égarée, et de sang dégouttante. |
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« Oui, c’est mon propre fils, oui, monstres inhumains, |
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320 |
C’est vous qui dans son sang avez trempé mes mains ; |
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Que la mère et le fils vous servent de pâture |
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Craignez-vous plus que moi d’outrager la nature ? |
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Quelle horreur à mes yeux semble vous glacer tous ! |
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Tigres, de tels festins sont préparés pour vous. » |
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325 |
Ce discours insensé, que sa rage prononce, |
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Est suivi d’un poignard qu’en son cœur elle enfonce. |
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De crainte, à ce spectacle, et d’horreur agités, |
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Ces monstres confondus courent épouvantés. |
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Ils n’osent regarder cette maison funeste ; |
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330 |
Ils pensent voir sur eux tomber le feu céleste, |
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Et le peuple, effrayé de l’horreur de son sort, |
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Levait les mains au ciel, et demandait la mort. |
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Jusqu’aux tentes du roi mille bruits en coururent ; |
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Son cœur en fut touché, ses entrailles s’émurent ; |
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335 |
Sur ce peuple infidèle il répandit des pleurs : |
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« Ô Dieu ! s’écria-t-il, Dieu qui lis dans les cœurs, |
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Qui vois ce que je puis, qui connais ce que j’ose, |
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Des ligueurs et de moi tu sépares la cause. |
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Je puis lever vers toi mes innocentes mains |
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340 |
Tu le sais, je tendais les bras à ces mutins ; |
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Tu ne m’imputes point leurs malheurs et leurs crimes. |
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Que Mayenne à son gré s’immole ces victimes : |
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Qu’il impute, s’il veut, des désastres si grands |
12 |
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À la nécessité, l’excuse des tyrans ; |
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345 |
De mes sujets séduits qu’il comble la misère ; |
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Il en est l’ennemi ; j’en dois être le père : |
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Je le suis ; c’est à moi de nourrir mes enfants, |
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Et d’arracher mon peuple à ces loups dévorants : |
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Dût-il de mes bienfaits s’armer contre moi-même, |
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350 |
Dussé-je, en le sauvant, perdre mon diadème, |
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Qu’il vive, je le veux, il n’importe à quel prix ; |
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Sauvons-le, malgré lui, de ses vrais ennemis ; |
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Et, si trop de pitié me coûte mon empire, |
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Que du moins sur ma tombe un jour on puisse lire : |
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355 |
« Henri, de ses sujets ennemi généreux, |
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« Aima mieux les sauver que de régner sur eux. » |
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Il dit ; et dans l’instant il veut que son armée |
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Approche sans éclat de la ville affamée, |
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Qu’on porte aux citoyens des paroles de paix, |
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360 |
Et qu’au lieu de vengeance on parle de bienfaits. |
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À cet ordre divin ses troupes obéissent. |
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Les murs en ce moment de peuple se remplissent ; |
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On voit sur les remparts avancer à pas lents |
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Ces corps inanimés, livides, et tremblants, |
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365 |
Tels qu’on feignait jadis que des royaumes sombres |
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Les mages à leur gré faisaient sortir les ombres |
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Quand leur voix, du Cocyte arrêtant les torrents, |
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Appelait les enfers, et les mânes errants. |
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Quel est de ces mourants l’étonnement extrême ! |
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370 |
Leur cruel ennemi vient les nourrir lui-même. |
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Tourmentés, déchirés par leurs fiers défenseurs, |
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Ils trouvent la pitié dans leurs persécuteurs. |
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Tous ces événements leur semblaient incroyables. |
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Ils voyaient devant eux ces piques formidables, |
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375 |
Ces traits, ces instruments des cruautés du sort, |
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Ces lances qui toujours avaient porté la mort, |
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Secondant de Henri la généreuse envie, |
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Au bout d’un fer sanglant leur apporter la vie. |
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« Sont-ce là, disaient-ils, ces monstres si cruels ? |
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380 |
Est-ce là ce tyran si terrible aux mortels, |
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Cet ennemi de Dieu, qu’on peint si plein de rage ? |
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Hélas ! du Dieu vivant c’est la brillante image ; |
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C’est un roi bienfaisant, le modèle des rois ; |
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Nous ne méritons pas de vivre sous ses lois. |
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385 |
Il triomphe, il pardonne, il chérit qui l’offense. |
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Puisse tout notre sang cimenter sa puissance ! |
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Trop dignes du trépas dont il nous a sauvés, |
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Consacrons-lui ces jours qu’il nous a conservés. |
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De leurs cœurs attendris tel était le langage : |
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390 |
Mais qui peut s’assurer sur un peuple volage, |
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Dont la faible amitié s’exhale en vains discours, |
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Qui quelquefois s’élève, et retombe toujours ? |
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Ces prêtres, dont cent fois la fatale éloquence |
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Ralluma tous ces feux qui consumaient la France, |
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395 |
Vont se montrer en pompe à ce peuple abattu. |
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« Combattants sans courage, et chrétiens sans vertu, |
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À quel indigne appât vous laissez-vous séduire ? |
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Ne connaissez-vous plus les palmes du martyre ? |
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Soldats du Dieu vivant, voulez-vous aujourd’hui |
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400 |
Vivre pour l’outrager, pouvant mourir pour lui ? |
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Quand Dieu du haut des cieux nous montre la couronne, |
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Chrétiens, n’attendons pas qu’un tyran nous pardonne. |
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Dans sa coupable secte il veut nous réunir : |
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De ses propres bienfaits songeons à le punir. |
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405 |
Sauvons nos temples saints de son culte hérétique. » |
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C’est ainsi qu’ils parlaient ; et leur voix fanatique, |
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Maîtresse du vil peuple, et redoutable aux rois, |
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Des bienfaits de Henri faisait taire la voix ; |
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Et déjà quelques-uns, reprenant leur furie, |
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410 |
S’accusaient en secret de lui devoir la vie. |
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À travers ces clameurs et ces cris odieux, |
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La vertu de Henri pénétra dans les cieux. |
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Louis, qui du plus haut de la voûte divine |
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Veille sur les Bourbons dont il est l’origine, |
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415 |
Connut qu’enfin les temps allaient être accomplis, |
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Et que le Roi des rois adopterait son fils. |
12 |
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Aussitôt de son cœur il chassa les alarmes : |
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La Foi vint essuyer ses yeux mouillés de larmes ; |
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Et la douce Espérance, et l’Amour paternel, |
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420 |
Conduisirent ses pas aux pieds de l’Éternel. |
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Au milieu des clartés d’un feu pur et durable, |
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Dieu mit, avant les temps, son trône inébranlable. |
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Le ciel est sous ses pieds ; de mille astres divers |
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Le cours, toujours réglé, l’annonce à l’univers. |
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425 |
La puissance, l’amour, avec l’intelligence, |
12 |
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Unis et divisés, composent son essence. |
12 |
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Ses saints, dans les douceurs d’une éternelle paix, |
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D’un torrent de plaisirs enivrés à jamais, |
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Pénétrés de sa gloire, et remplis de lui-même, |
12 |
430 |
Adorent à l’envi sa majesté suprême. |
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Devant lui sont ces dieux, ces brûlants séraphins, |
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À qui de l’univers il commet les destins. |
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Il parle, et de la terre ils vont changer la face : |
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Des puissances du siècle ils retranchent la race : |
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435 |
Tandis que les humains, vils jouets de l’erreur, |
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Des conseils éternels accusent la hauteur. |
12 |
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Ce sont eux dont la main, frappant Rome asservie, |
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Aux fiers enfants du Nord a livré l’Italie, |
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L’Espagne aux Africains, Solyme aux Ottomans : |
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440 |
Tout empire est tombé, tout peuple eut ses tyrans, |
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Mais cette impénétrable et juste Providence |
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Ne laisse pas toujours prospérer l’insolence ; |
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|
Quelquefois sa bonté, favorable aux humains, |
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|
Met le sceptre des rois dans d’innocentes mains. |
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445 |
Le père des Bourbons à ses yeux se présente, |
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Et lui parle en ces mots d’une voix gémissante : |
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|
Père de l’univers, si tes yeux quelquefois |
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|
Honorent d’un regard les peuples et les rois, |
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Vois le peuple français à son prince rebelle ; |
12 |
450 |
S’il viole tes lois, c’est pour t’être fidèle. |
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Aveuglé par son zèle, il te désobéit, |
12 |
|
Et pense te venger alors qu’il te trahit. |
12 |
|
Vois ce roi triomphant, ce foudre de la guerre, |
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|
L’exemple, la terreur, et l’amour de la terre ; |
12 |
455 |
Avec tant de vertus, n’as-tu formé son cœur |
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|
Que pour l’abandonner aux pièges de l’erreur ? |
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Faut-il que de tes mains le plus parfait ouvrage |
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|
À son Dieu qu’il adore offre un coupable hommage ? |
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Ah ! si du grand Henri ton culte est ignoré, |
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460 |
Par qui le Roi des rois veut-il être adoré ? |
12 |
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Daigne éclairer ce cœur créé pour te connaître : |
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|
Donne à l’Église un fils, donne à la France un maître ; |
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Des ligueurs obstinés confonds les vains projets ; |
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|
Rends les sujets au prince, et le prince aux sujets |
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465 |
Que tous les cœurs unis adorent ta justice, |
12 |
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Et t’offrent dans Paris le même sacrifice. » |
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L’Éternel à ses vœux se laissa pénétrer ; |
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Par un mot de sa bouche il daigna l’assurer. |
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À sa divine voix les astres s’ébranlèrent ; |
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470 |
La terre en tressaillit, les ligueurs en tremblèrent. |
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Le roi, qui dans le ciel avait mis son appui, |
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Sentit que le Très-Haut s’intéressait pour lui. |
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Soudain la Vérité, si longtemps attendue, |
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Toujours chère aux humains, mais souvent inconnue, |
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475 |
Dans les tentes du roi descend du haut des cieux. |
12 |
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D’abord un voile épais la cache à tous les yeux : |
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De moment en moment, les ombres qui la couvrent |
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Cèdent à la clarté des feux qui les entr’ouvrent : |
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Bientôt elle se montre à ses yeux satisfaits, |
12 |
480 |
Brillante d’un éclat qui n’éblouit jamais. |
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Henri, dont le grand cœur était formé pour elle, |
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Voit, connaît, aime enfin sa lumière immortelle. |
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Il avoue, avec foi, que la religion |
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Est au-dessus de l’homme, et confond la raison. |
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485 |
Il reconnaît l’Église ici-bas combattue, |
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L’Église toujours une, et partout étendue, |
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Libre, mais sous un chef, adorant en tout lieu, |
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Dans le bonheur des saints, la grandeur de son Dieu. |
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Le Christ, de nos péchés victime renaissante, |
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490 |
De ses élus chéris nourriture vivante, |
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Descend sur les autels à ses yeux éperdus, |
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Et lui découvre un Dieu sous un pain qui n’est plus. |
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Son cœur obéissant se soumet, s’abandonne |
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À ces mystères saints dont son esprit s’étonne. |
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495 |
Louis, dans ce moment qui comble ses souhaits, |
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Louis, tenant en main l’olive de la paix, |
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Descend du haut des cieux vers le héros qu’il aime ; |
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Aux remparts de Paris il le conduit lui-même. |
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Les remparts ébranlés s’entr’ouvrent à sa voix ; |
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500 |
Il entre au nom du Dieu qui fait régner les rois. |
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Les ligueurs éperdus, et mettant bas les armes, |
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Sont aux pieds de Bourbon, les baignent de leurs larmes ; |
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Les prêtres sont muets ; les Seize épouvantés |
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En vain cherchent, pour fuir, des antres écartés. |
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505 |
Tout le peuple, changé dans ce jour salutaire, |
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Reconnaît son vrai roi, son vainqueur, et son père. |
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Dès lors on admira ce règne fortuné, |
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Et commencé trop tard, et trop tôt terminé. |
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L’Autrichien trembla. Justement désarmée, |
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510 |
Rome adopta Bourbon, Rome s’en vit aimée. |
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La Discorde rentra dans l’éternelle nuit. |
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À reconnaître un roi Mayenne fut réduit ; |
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Et, soumettant enfin son cœur et ses provinces, |
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Fut le meilleur sujet du plus juste des princes. |
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