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VOL_1/VOL19
VOLTAIRE
(François-Marie Arouet)
Odes
Tragédie en trois actes
1709-1775
XIX
ODE PINDARIQUE
A PROPOS DE LA GUERRE PRÉSENTE EN GRÈCE.
Au fond d'un sérail inutile 8
Que fait parmi ses icoglans 8
Le vieux successeur imbécile 8
Des Bajazets et des Orcans ? 8
5 Que devient cette Grèce altière, 8
Autrefois savante et guerrière, 8
Et si languissante aujourd'hui ; 8
Rampante aux genoux d'un Tartare, 8
Plus amollie, et plus barbare, 8
10 Et plus méprisable que lui ? 8
Tels n'étaient point ces Héraclides, 8
Suivants de Minerve et de Mars, 8
Des Persans vainqueurs intrépides, 8
Et favoris de tous les arts ; 8
15 Eux qui, dans la paix, dans la guerre, 8
Furent l'exemple de la terre 8
Et les émules de leurs dieux, 8
Lorsque Jupiter et Neptune 8
Leur asservirent la fortune, 8
20 Et combattirent avec eux. 8
Mais quand sous les deux Théodoses 8
Tous ces héros dégénérés 8
Ne virent plus d'apothéoses 8
Que de vils pédants tonsurés, 8
25 Un délire théologique 8
Arma leur esprit frénétique 8
D'anathèmes et d'arguments ; 8
Et la postérité d'Achille, 8
Sous la règle de saint Basile, 8
30 Fut l'esclave des Ottomans. 8
Voici le vrai temps des croisades. 8
Français, Bretons, Italiens, 8
C'est trop supporter les bravades 8
Des cruels vainqueurs des chrétiens. 8
35 Un ridicule fanatisme 8
Fit succomber votre héroïsme 8
Sous ces tyrans victorieux. 8
Écoutez Pallas qui vous crie 8
« Vengez-moi ! vengez ma patrie ! 8
40 Vous irez après aux saints lieux. 8
« Je veux ressusciter Athènes. 8
Qu'Homère chante vos combats, 8
Que la voix de cent Démosthènes 8
Ranime vos cœurs et vos bras. 8
45 Sortez, renaissez, Arts aimables, 8
De ces ruines déplorables 8
Qui vous cachaient sous leurs débris ; 8
Reprenez votre éclat antique, 8
Tandis que l'opéra-comique 8
50 Fait les triomphes de Paris. 8
« Que des badauds la populace 8
S'étouffe à des processions, 8
Que des imposteurs à besace 8
Président aux convulsions, 8
55 Je rirai de cette manie ; 8
Mais je veux que dans Olympie 8
Phidias, Pigalle, ou Vulcain, 8
Fassent admirer à la terre 8
Les noirs sourcils du dieu mon père, 8
60 Et mettent la foudre en sa main. 8
« C'est par moi que l'on peut connaître 8
Le monde antique et le nouveau ; 8
Je suis la fille du grand Être, 8
Et je naquis de son cerveau. 8
65 C'est moi qui conduis Catherine 8
Quand cette étonnante héroïne, 8
Foulant à ses pieds le turban, 8
Réunit Thémis et Bellone, 8
Et rit avec moi, sur son trône, 8
70 De la Bible, et de l'Alcoran. 8
« Je dictai l'Encyclopédie, 8
Cet ouvrage qui n'est pas court, 8
A d'Alembert, que j'étudie, 8
A mon Diderot, à Jaucourt ; 8
75 J'ordonne encore au vieux Voltaire 8
De percer de sa main légère 8
Les serpents du sacré vallon ; 8
Et, puisqu'il m'aime et qu'il me venge, 8
Il peut écraser dans la fange 8
80 Le lourd Nonotte et l'abbé Guion. » 8
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