Métrique en Ligne
VLS_1/VLS13
Léonise VALOIS
FLEURS SAUVAGES
1910
Idéales Sympathies
Un jour, le Rêve ailé planant dans le ciel bleu, 12
Tout comme un libre oiseau qui dédaigne la terre, 12
Songeait dans son envol au long regard de feu 12
Des étoiles du soir se voilant de mystère. 12
5 Le bonheur, pensait-il, doit se trouver ici, 12
Dans ce stellaire Éden, d'où s'échappe la flamme, 12
La clarté, la chaleur, le rayon adouci, 12
Qui pénètre le cœur, émeut l'esprit et l'âme. 12
Et dans l'immense éther où se déploient mes ailes, 12
10 Dans ce vol aérien où flottent mes désirs, 12
Le souffle de ma vie aux sphères éternelles 12
Porte en hommage à Dieu mes chants et mes soupirs. 12
Je ne descendrai plus dans ce pays des fleurs 12
Où les papillons fous chagrinent tant les roses, 12
15 Les perles de l'azur ne troublent pas les cœurs 12
Et les rayons du ciel ont la pitié des choses. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ainsi pensait le Rêve enivré de délices, 12
Quand soudain de la terre, il monta des sanglots ; 12
Et ces bruits douloureux étaient sans artifices, 12
20 L'amertume d'une âme en débordait à flots. 12
Le Rêve n'y tint plus, et vers cette souffrance 12
Il dirigea son vol. Quittant là l'idéal 12
Et ses charmes divins, vers la voix il s'élance, 12
Oubliant un moment le monde sidéral. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
25 Dans un buisson fleuri que longe un sentier vert 12
Errait seule en pleurant la Douleur éperdue ; 12
Elle avait fui la foule et libre en ce désert 12
Confiait aux échos sa peine contenue. 12
La solitude est chère à qui voudrait pleurer ; 12
30 Les regards indiscrets intimident les larmes, 12
Sur un frêle rameau que le vent fait trembler, 12
Les gouttes de cristal ont tout l'attrait des charmes. 12
La triste inconsolée, entière à son chagrin, 12
Goûtait peu la nature et son gai paysage, 12
35 Car pour elle les fleurs n'avaient plus de parfum 12
Et les oiseaux des nids n'avaient plus de ramage. 12
Seule, la brise tiède en caressant son front, 12
Retrouvait dans son âme un écho de sa plainte, 12
Et les feuilles tout bas mêlaient leurs doux frissons 12
40 Aux émois violents dont elle était étreinte. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Le Rêve sympathique à la pauvre Douleur, 12
Survint en soupirant, la toucha de son aile, 12
Un colloque expansif et de vibrante ardeur 12
Les enivra d'amour et LUI fut épris d'ELLE. 12
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
45 Et, depuis lors, on voit dans toute solitude 12
Que le Rêve exilé recherche tristement 12
Une nymphe songeuse ; Et sa morne attitude 12
Dit que c'est la Douleur qui l'appelle et l'attend. 12
logo du CRISCO logo de l'université