Métrique en Ligne
VIV_7/VIV259
Renée VIVIEN
Sillages
1908
LA DEMEURE DU PASSÉ
I
SUR LE MODE MAJEUR
Toi qui m’as oubliée aujourd’hui, qui fus mienne 12
Cependant, viens dans la maison aérienne 12
Du songe et du passé. 6
Il y demeure un soir doux au regard lassé. 12
5 Les chambres aux plafonds creusés comme les dômes 12
Se peuplent de fantômes. 6
On retrouve là-bas des livres oubliés 12
Des sachets odorants encore, et des colliers, 12
Des choses familières. 6
10 Je ne sais quoi de triste obscurcit les lumières 12
Pourtant… Dans l’air traîne un nostalgique parfum, 12
Car on attend quelqu’un. 6
Reviens dans la maison du passé, mon amie, 12
Et ta chambre, qui fut si longtemps endormie, 12
15 S’éveillera pour toi. 6
Car on n’y reconnaît que ton ordre et ta loi 12
Que nul ne contredit et que nul ne transgresse, 12
Mon maître et ma maîtresse. 6
Reconnais ton odeur d’ambre mêlé d’iris… 12
20 Toute chose dans la demeure de jadis 12
Porte ta chère empreinte. 6
Le foyer s’est éteint, la lampe s’est éteinte 12
Dans la chambre sans fleurs où je t’ouvre les bras, 12
Toi qui ne viendras pas ! 6
II
SUR LE MODE MINEUR
25 Miraculeusement, te voici revenue, 12
En cherchant, à travers la bleuâtre avenue, 12
La maison du passé. 6
Entre dans la maison chère au désir lassé 12
Et vois, sous les plafonds creusés comme des dômes, 12
30 Son peuple de fantômes. 6
Rentre dans la maison qui t’accueille, où j’attends… 12
Rien n’est changé, sauf les tons d’or moins éclatants 12
Et les roses fanées. 6
Et me voici, pareille à travers les années 12
35 Pour t’accueillir, en ce dur instant de retour 12
Avec le même amour. 6
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