Métrique en Ligne
VIV_6/VIV220
Renée VIVIEN
Flambeaux éteints
1906
Voici maintenant ce que je chanterai bellement
afin de plaire à mes maîtresses.
Psappha.
VOICI CE QUE JE CHANTERAI
Les suaves repos, les tendres accalmies, 12
Vous seules me les donnâtes, ô mes amies ! 12
Je suis reconnaissante et charmée en songeant 12
À vos longs corps pareils à des cierges d’argent. 12
5 Vous fûtes la bonté de mes heures mauvaises, 12
Le baume oriental qui trompe les malaises, 12
Et vous m’avez conduite en un verger païen 12
Où l’âme ne regrette et ne désire rien. 12
Vos fûtes la fraîcheur du soir sur mon visage 12
10 Et la volupté triste et la tristesse sage. 12
Par vous, jadis, ô mes maîtresses ! je connus 12
La majesté des seins magnifiquement nus… 12
Vous fîtes rire en moi la jeunesse et la vie : 12
Vous m’avez consolée et vous m’avez ravie. 12
15 Au hasard des destins, vous fûtes tour à tour 12
La passion cruelle et le tremblant amour. 12
Je vous prends et je vous respire, mes aimées, 12
Ainsi qu’une guirlande aux fraîcheurs embaumées. 12
Vous avez su tourner vers vous tous mes désirs 12
20 Et vous avez rempli mes mains de souvenirs. 12
Je vous ai dis, à vous qui m’avez couronnée : 12
« Qu’importent les demains ?… Cette nuit m’est donnée… 12
« Éternelle douceur de la douceur qui fuit ! 12
« Nul vent n’emportera l’odeur de cette nuit… » 12
25 Vous avez dénoué mes cheveux, ô maîtresses ! 12
Et vous avez mêlé des roses à mes tresses, 12
Si bien que je n’ai plus sangloté de ne voir 12
À mon front ni léger pampre ni laurier noir. 12
La gloire m’a souri dans les aubes dorées 12
30 Puisque ma gloire est de vous avoir adorées. 12
Vous m’avez enseigné dans les jardins, sachant 12
Que je vous louerais mieux, l’amertume du chant. 12
Et d’une voix parfois troublée et parfois claire 12
Ô femmes, j’ai chanté dans l’espoir de vous plaire… 12
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