Métrique en Ligne
VIV_5/VIV208
Renée VIVIEN
À l'heure des mains jointes
1906
NUIT MAURESQUE
La nuit est façonnée avec un art subtil 12
Ainsi qu’un merveilleux palais de Boabdil. 12
La fontaine redit ses rythmes monotones 12
Et les ifs argentés sont de blanches colonnes. 12
5 Dans le jardin, roi morne et conquérant lassé. 12
Se recueille et s’attarde et veille le passé. 12
Le ciel, où la lumière est éclatante et noire, 12
Est un plafond de cèdre et de nacre et d’ivoire. 12
Par cette nuit d’amour, mon désir est moins près 12
10 Des jets d’eau radieux et purs que des cyprès. 12
Pourtant j’aime l’élan des rossignols, et j’aime 12
Ces fontaines qui sont plus belles qu’un poème. 12
Viens dans ces murs, où ton caprice me céda, 12
Ma maîtresse de tous les temps, Zoraïda ! 12
15 Faisons revivre, au fond de ces tièdes allées, 12
Les languides ghuzlas et les femmes voilées. 12
Et rêvons un amour insensé, frémissant 12
De victoire fatale et de fièvre et de sang. 12
Ma maîtresse ! tandis que l’instant se prolonge, 12
20 Errons, les doigts unis, dans l’Alhambra du songe. 12
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