Métrique en Ligne
VIV_5/VIV197
Renée VIVIEN
À l'heure des mains jointes
1906
PÉNITENTES ESPAGNOLES
Le repentir songeur n’use plus leurs genoux. 12
Parmi les champs malsains et les villes malades 12
Elles dansent, ainsi que de noires Ménades. 12
Parfois le vent du soir éteint leurs cierges roux. 12
5 Elles ont coupé leurs chevelures altières ; 12
Le cilice a mordu leurs seins endoloris, 12
Leurs psaumes, soupires ou jetés à grands cris, 12
S’accompagnent du son rauque des grelottières. 12
Pourtant, il dort au fond de leurs yeux espagnols 12
10 Des souvenirs qui sont comme un jardin mauresque 12
Où le jet d’eau retrace une blanche arabesque, 12
Où s’exaltent les voix de mille rossignols. 12
Et c’est en vain que ces lascives pénitentes 12
Lancent publiquement leurs clameurs de remords… 12
15 Jusqu’au jour où les vers rongeront leurs yeux morts. 12
Leur chair n’oubliera pas ses langueurs consentantes. 12
Leurs flancs meurtris sont prêts encore aux pâmoisons. 12
Et leur bouche d’amante ouvre sa rose tiède, 12
Car le vent de Grenade et le vent de Tolède 12
20 Mêlent leurs sourds parfums au bruit des oraisons. 12
Elles ne verront point, de leurs yeux de fiévreuses. 12
Le ciel où l’on n’a plus de souvenirs d’amour, 12
D’où, froide en sa blancheur, l’éternité du jour 12
Chasse les voluptés aux ferveurs ténébreuses. 12
25 Elles n’entreront point au ciel limpide et clair, 12
Mais, dans la nuit ardente où pleurent les damnées, 12
L’amour, ressuscitant du tombeau des années, 12
Saura leur alléger les tourments de l’enfer. 12
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