Métrique en Ligne
VIV_5/VIV192
Renée VIVIEN
À l'heure des mains jointes
1906
L’AMOUR BORGNE
Je t’aime de mon œil unique, je te lorgne 12
Ainsi qu’un Chinois l’opium : 8
Je t’aime de mon amour borgne, 8
Fille aussi blanche qu’un arum. 8
5 Je veux tes paupières de bistre, 8
Et ta voix plus lente qu’un sistre ; 8
Je t’aime de mon œil sinistre 8
Où luit la colère du rhum. 8
Je te suis du regard, lubrique comme un singe. 12
10 Ivre comme un ballon sans lest. 8
Ton âme incertaine de Sphinge 8
Flotte entre le zist et le zest. 8
Et je halète vers l’amorce 8
Des seins vibrants, du souple torse 8
15 Où la grâce épouse la force, 8
Et des yeux verts comme l’ouest. 8
Ton visage s’estompe à travers les courtines ; 12
Et tu médites, un fruit sec 8
Entre tes lèvres florentines 8
20 Où s’apaise un sourire grec. 8
Je meurs de tes paroles brèves… 8
Je veux que de tes dents tu crèves 8
Mon œil où se brouillent les rêves, 8
Comme un ara, d’un coup de bec. 8
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