Métrique en Ligne
VIV_4/VIV152
Renée VIVIEN
La Vénus des Aveugles
1904
LES ORIPEAUX
Je ne danserai pas sur ton tréteau banal,
Avec tes histrions et tes prostituées.
Lorsque fermente en moi la tristesse du vin, 12
J’erre, exagérant mon verbe de pitre, 10
Mentant comme un prêtre et comme un devin. 10
Ma loquacité pérore et chapitre 10
5 Devant la foule aux remous de troupeau 10
Que le sifflement des fifres taquine. 10
De mes vers, pareils à des oripeaux, 10
J’ai drapé follement tes membres d’arlequine. 12
Découvre à l’air des nuits tes seins prostitués. 12
10 Sur les murs, la foule a groupé ses fresques. 10
Mes gestes fiévreux sont accentués 10
Par l’explosion des tambours burlesques. 10
Je tourne mes yeux sottement épris 10
Vers ton corps lascif, que l’amour efflanque. 10
15 Car nous endurons un égal mépris, 10
Ô toi la danseuse ivre, ô moi la saltimbanque. 12
Des souffles cauteleux éteignent les quinquets… 12
Tels des haillons, sous leur clinquant de rimes, 10
Puant la sueur et les vieux bouquets, 10
20 Mes vers ont gardé tes chaleurs intimes. 10
Mes vers sont pareils à des oripeaux. 10
Ah ! ce beuglement d’affreuses musiques 10
D’orgues, cette odeur de crasse et de peaux ! 10
Ce spectacle effronté de nos âmes publiques ! 12
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