Métrique en Ligne
VIV_2/VIV47
Renée VIVIEN
Cendres et Poussières
1902
DÉSIR
Elle est lasse, après tant d’épuisantes luxures. 12
Le parfum émané de ses membres meurtris 12
Est plein du souvenir des lentes meurtrissures. 12
La débauche a creusé ses yeux bleus assombris. 12
5 Et la fièvre des nuits avidement rêvées 12
Rend plus pâles encor ses pâles cheveux blonds. 12
Ses attitudes ont des langueurs énervées. 12
Mais voici que l’Amante aux cruels ongles longs 12
Soudain la ressaisit, et l’étreint, et l’embrasse 12
10 D’une ardeur si sauvage et si douce à la fois, 12
Que le beau corps brisé s’offre, en demandant grâce, 12
Dans un râle d’amour, de désirs et d’effrois. 12
Et le sanglot qui monte avec monotonie, 12
S’exaspérant enfin de trop de volupté, 12
15 Hurle comme l’on hurle aux moments d’agonie, 12
Sans espoir d’attendrir l’immense surdité. 12
Puis, l’atroce silence, et l’horreur qu’il apporte, 12
Le brusque étouffement de la plaintive voix, 12
Et sur le cou, pareil à quelque tige morte, 12
20 Blêmit la marque verte et sinistre des doigts. 12
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