Métrique en Ligne
VIV_2/VIV41
Renée VIVIEN
Cendres et Poussières
1902
LES AMAZONES
On voit errer au loin les yeux d’or des lionnes… 12
L’Artémis, à qui plaît l’orgueil des célibats, 12
Qui sourit aux fronts purs sous les blanches couronnes, 12
Contemple cependant sans colère, là-bas, 12
5 S’accomplir dans la nuit l’hymen des Amazones, 12
Fier, et semblable au choc souverain des combats. 12
Leur regard de dégoût enveloppe les mâles 12
Engloutis par les flots nocturnes du sommeil. 12
L’ombre est lourde d’échos, de tiédeurs et de râles… 12
10 Elles semblent attendre un frisson de réveil. 12
La clarté se rapproche, et leurs prunelles pâles 12
Victorieusement reflètent le soleil. 12
Elles gardent une âme éclatante et sonore 12
Où le rêve s’émousse, où l’amour s’abolit, 12
15 Et ressentent, dans l’air affranchi de l’aurore, 12
Le mépris du baiser et le dédain du lit. 12
Leur chasteté sanglante et sans faiblesse abhorre 12
Les époux de hasard que le rut avilit. 12
« Nous ne souffrirons pas que nos baisers sublimes 12
20 Et l’éblouissement de nos bras glorieux 12
Soient oubliés demain dans les lâches abîmes 12
Où tombent les vaincus et les luxurieux. 12
Nous vous immolerons ainsi que les victimes 12
Des autels d’Artémis au geste impérieux. 12
25 « Parmi les rayons morts et les cendres éteintes, 12
Vos lèvres et vos yeux ne profaneront pas 12
L’immortel souvenir d’héroïques étreintes. 12
Loin des couches sans âme et de l’impur repas, 12
Vous garderez au cœur nos caresses empreintes 12
30 Et nos soupirs mêlés aux soupirs du trépas ! » 12
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