Métrique en Ligne
VIV_2/VIV39
Renée VIVIEN
Cendres et Poussières
1902
INVOCATION
Les yeux tournés sans fin vers les splendeurs éteintes, 12
Nous évoquons l’effroi, l’angoisse et le tourment 12
De tes baisers, plus doux que le miel d’hyacinthes, 12
Amante qui versas impérieusement, 12
5 Devant l’Aphroditâ dont le furtif sourire 12
Dépasse en cruauté les flèches de l’Érôs, 12
L’orage et l’éclair de ta lyre, 8
Ô Psapphâ de Lesbôs ! 6
Les siècles attentifs se penchent pour entendre 12
10 Les lambeaux de tes chants. Ton visage est pareil 12
À des roses d’hiver recouvertes de cendre 12
Et ton lit nuptial ignore le soleil. 12
Ta chevelure ondoie au reflux des marées 12
Comme l’algue marine et les sombres coraux, 12
15 Et tes lèvres désespérées 8
Boivent la paix des eaux. 6
Que t’importe l’éloge éloquent des Poètes, 12
À Toi dont le front large est las d’éternités ? 12
Qu’importent le frisson des strophes inquiètes, 12
20 Les éblouissements et les sonorités ? 12
La musique des flots a rempli ton oreille, 12
Ce remous de la mer qui murmure à ses morts 12
Des mots dont le rythme ensommeille 8
Comme de lourds accords. 6
25 Ô parfum de Paphôs ! ô Poète ! ô Prêtresse ! 12
Apprends-nous le secret des divines douleurs, 12
Apprends-nous les soupirs, l’implacable caresse 12
Où pleure le plaisir, flétri parmi les fleurs ! 12
Ô langueur de Lesbôs ! Charme de Mitylène ! 12
30 Apprends-nous le vers d’or que ton râle étouffa, 12
De ton harmonieuse haleine 8
Inspire-nous, Psapphâ ! 6
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