Métrique en Ligne
VIC_1/VIC13
Gabriel VICAIRE
L’Heure enchantée
1890
Jeunesse
III
Et, tandis qu’au ciel montait l’alouette, 10
Je courus à toi, timide et joyeux 10
Je courus à toi, charmeuse aux doux yeux 10
Couleur de pervenche et de violette. 10
5 L’aurore, en sa robe aux mille couleurs, 10
S’éveillait parmi les blondes feuillées ; 10
De sa traîne un flot de perles mouillées 10
Tombait lentement sur la terre en fleurs. 10
Sur le val fleuri, dans l’herbe fleurie, 10
10 Comme un ruban bleu la brume ondulait ; 10
Par delà les bois, au loin s’envolait, 10
Dans le grand silence, une sonnerie. 10
Avec la lumière, au lever du jour, 10
Égrenez longtemps vos notes légères, 10
15 Du frêle bonheur folles messagères, 10
Cloches de cristal, ô cloches d’amour ! 10
Je suis prisonnier de dame Jeunesse 10
Et mon cœur bénit sa douce prison ; 10
Le jardin féerique est mon horizon, 10
20 Le seul à jamais que je reconnaisse. 10
Ô fraîcheur exquise, ô paix du matin, 10
Souffles vagabonds, brises familières ! 10
La source bruit parmi les bruyères, 10
En son lit de moire et de vert satin. 10
25 Muguet, primevère, œillet, campanule, 10
Calices d’argent, d’or où de vermeil, 10
Tout s’ouvre au premier rayon de soleil 10
Où se jouent l’abeille et la libellule. 10
Dans l’air assoupi, sous les noirs fourrés 10
30 Où le rossignol ardemment prélude 10
Passe un long soupir de béatitude 10
Dont tous les échos sont enamourés. 10
Et partout voici que se fait entendre, 10
Ainsi qu’un orchestre invisible et doux, 10
35 Le chœur des lutins caché dans les houx, 10
La chanson d’avril, éperdument tendre. 10
Ah ! ta chère aubade, ô musicien, 10
Comme elle nous berce, et comme elle est brève ! 10
Où vont les serments qu’on se fait en rêve, 10
40 La voix qui se meurt et le charme ancien ? 10
Délices de l’âme, adorable ivresse, 10
Pourquoi tout à coup nous abandonner ? 10
Printemps de nos cœurs, pourquoi te faner 10
Sous les doigts rosés de l’Enchanteresse ? 10
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