Métrique en Ligne
VIC_1/VIC12
Gabriel VICAIRE
L’Heure enchantée
1890
Jeunesse
II
Ô jeunesse aux grands yeux, jeunesse aux cheveux blonds 12
Qui poses, dés l’aurore, un pied dans la rosée ; 12
Dame du clair matin, pareille à l’épousée 12
Que le seigneur amène au son des violons, 12
5 Toi qui vas les bras nus, les tresses dénouées, 12
Rieuse, à travers l’ombre et la nuit et le vent ; 12
Toi qui pour diadème as le soleil levant 12
Et dont la robe rose est faite de nuées, 12
Que ton charme est puissant et doux ! Les plus hardis, 12
10 Fléchissant le genou, t’adorent en silence ; 12
Pur comme l’encensoir qu’une vierge balance, 12
Le ciel se teint pour toi d’un bleu de Paradis ; 12
Et dans le pays vert où ta grâce ingénue 12
Sous le baiser d’avril éclate en liberté, 12
15 Pleins de ton allégresse et fous de ta beauté, 12
Les oiseaux, par milliers, célèbrent ta venue. 12
Ta sveltesse ineffable est celle du bouleau, 12
Ta voix nous berce ainsi qu’une chanson lointaine ; 12
Comme un lys qui s’effeuille au bord d’une fontaine, 12
20 Ton corps délicieux a la fraîcheur de l’eau. 12
Tu ressembles parfois à la biche craintive 12
Qui, l’oreille aux aguets, sent venir le chasseur ; 12
Ta bouche, au clair de lune, a l’étrange douceur 12
De la belle-de-nuit et de la sensitive. 12
25 Parfois, lasse d’avoir suivi les papillons, 12
Tu mires ton visage à la source des fées, 12
Et l’odeur des lilas t’arrive par bouffées 12
Dans la brise qui vague et le chant des grillons. 12
Et puis, comme Diane errant par la clairière, 12
30 Le carquois sur l’épaule, avec ses lévriers, 12
Sur un fond d’azur pâle et de genévriers 12
Tu resplendis, superbe et chaste, ô ma guerrière. 12
Telle je t’aperçus pour la première fois 12
Dans le brouillard léger de l’aube qui se lève, 12
35 À cette heure où la vie est comme un divin rêve 12
Que traverse un soupir de flûte ou de hautbois. 12
Près du ruisseau d’argent, dans la forêt mystique 12
Où tremble, vers le soir, un chant de volupté ; 12
Près des cascades d’or, dans le cirque enchanté, 12
40 Ton appel virginal était comme un cantique. 12
Enfant émerveillé, j’allais par le chemin ; 12
Je regardais danser le soleil sur la mousse. 12
Adorable et terrible, éblouissante et douce, 12
Tu m’apparus, Jeunesse, une rose à la main ! 12
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