Métrique en Ligne
VHR_3/VHR98
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES DÉBÂCLES
1888
DÉFORMATION MORALE
ÉPERDUMENT
Bien que flasque et geignant et si pauvre ! si morne ! 12
Si las ! redresse-toi, de toi-même vainqueur ; 12
Lève ta volonté qui choit contre la borne 12
Et sursaute, debout, rosse à terre, mon cœur ! 12
5 Exaspère sinistrement ta toute exsangue 12
Carcasse et pousse au vent, par des chemins rougis 12
De sang, ta course ; et flaire et lèche avec ta langue 12
Ta plaie, et lutte et butte et tombe — et ressurgis ! 12
Tu n’en peux plus et tu n’espères plus ; qu’importe ! 12
10 Puisque ta haine immense encor hennit son deuil, 12
Puisque le sort t’enrage et que tu n’es pas morte 12
Et que ton mal cinglé se cabre en ton orgueil. 12
Et que ce soit de la torture encore ! encore ! 12
Et belle et folle et rouge et soûle — et le désir 12
15 De se boire de la douleur par chaque pore, 12
Et du vertige et de l’horreur — et le plaisir, 12
Ô ma rosse de souffre et d’os que je surmène 12
Celui, jadis, là-bas, en ces minuits du Nord, 12
Des chevaliers d’éclair, sur leurs chevaux d’ébène, 12
20 Qui s’emballaient, fougueux du vide et de la mort. 12
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