Métrique en Ligne
VHR_3/VHR96
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES DÉBÂCLES
1888
DÉFORMATION MORALE
HEURES D’HIVER
Les molosses d’hiver, le gel, le vent, la neige, 12
Ô mon vieux cœur de lassitude et de souci, 12
Ils hurlent à la mort, écoute ! et leur cortège 12
S’enfuit, avec des pleurs, vers le néant. Voici, 12
5 Qu’ils ululent sinistrement et qu’on ulule 12
Vers eux, parmi les lourds échos du crépuscule, 12
En réponse, là-bas.
L’horizon ? c’est du sang,
Du pus et de la lèpre et de la pourriture. 12
Et toi, mon cœur piteux, caduque et vieillissant, 12
10 Et toi, mon incurable et nocturne blessure, 12
Tu sens aussi ces chiens rués, à travers toi. 12
Oh cet interminable et novembral aboi 12
Des chiens, des mauvais chiens, hurleurs au clair de lune, 12
Comme ils geignent ton deuil et combien longuement 12
15 Raillent leurs cris, leurs cris de hargue et de rancune, 12
Tes naufrages d’espoir vers le renoncement. 12
L’arbre des pleurs, ainsi que les sorbiers d’automne, 12
S’érige en tes songes et, rouge, les festonne 12
Et laisse choir ses fruits et ses larmes de soir, 12
20 À lente pluie et longue — avec mélancolie ! 12
Les lacs de tes ennuis, où se viennent asseoir, 12
Pour y mirer les yeux fixes de leur folie, 12
Et ton vouloir et ton orgueil et ton tourment, 12
Ainsi que d’immenses linceuils, immensément, 12
25 Par les plaines et les plaines se continuent. 12
Le souvenir en toi déchaîne ses douleurs 12
Et vous mêlez vos voix que les sanglots obstruent 12
Mais les échos toujours repoussent ces douleurs 12
Les voix de ces douleurs et de ces pleurs — ailleurs ! 12
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