Métrique en Ligne
VHR_3/VHR95
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES DÉBÂCLES
1888
DÉFORMATION MORALE
LE GLAIVE
Quelqu’un m’avait prédit, qui tenait une épée 12
Et qui riait de mon orgueil stérilisé : 12
Tu seras nul, et pour ton âme inoccupée 12
L’avenir ne sera qu’un regret du passé. 12
5 Ton corps, où s’est aigri le sang de purs ancêtres, 12
Fragile et lourd, se cassera dans chaque effort ; 12
Tu seras le fiévreux ployé, sur les fenêtres, 12
D’où l’on peut voir bondir la vie et ses chars d’or, 12
Tes nerfs t’enlaceront de leurs fibres sans sèves 12
10 Tes nerfs ! — et tes ongles s’amolliront d’ennui, 12
Ton front, comme un tombeau dominera tes rêves, 12
Et sera ta frayeur, en des miroirs, la nuit. 12
Te fuir ! — si tu pouvais ! mais non, la lassitude 12
Des autres et de toi t’aura voûté le dos 12
15 Si bien, rivé les pieds si fort, que l’hébétude 12
Détrônera ta tête et plombera tes os. 12
Éclatants et claquants, les drapeaux vers les luttes, 12
Ta lèvre exsangue hélas ! jamais ne les mordra : 12
Usé, ton cœur, ton morne cœur, dans les disputes 12
20 Des vieux textes, où l’on taille comme en un drap. 12
Tu t’en iras à part et seul — et les naguères 12
De jeunesse seront un inutile aimant 12
Pour tes grands yeux lointains — et les joyeux tonnerres 12
Chargeront loin de toi, victorieusement ! 12
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