Métrique en Ligne
VHR_3/VHR90
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES SOIRS
I
DÉCORS LIMINAIRES
LE CRI
Sur un étang désert, où stagne une eau brunie, 12
Un rai du soir s’accroche au sommet d’un roseau, 12
Un cri s’écoute, un cri désespéré d’oiseau, 12
Un cri grêle, qui pleure au loin une agonie. 12
5 Comme il est faible et mince et timide et fluet ! 12
Et comme avec tristesse il se traîne et s’écoute, 12
Et comme il se prolonge, et comme avec la route 12
Il s’enfonce et se perd dans l’horizon muet ! 12
Et comme il scande l’heure, au rythme de son râle, 12
10 Et comme, en son accent minable et souffreteux, 12
Et comme, en son écho languissant et boiteux, 12
Se plaint peureusement la douleur vespérale ! 12
Il est si lent parfois qu’on ne le saisit pas. 12
Et néanmoins toujours, et sans fatigue, il tinte 12
15 L’obscur et frêle adieu de quelque vie éteinte ; 12
Il dit les pauvres morts et les pauvres trépas : 12
La mort des fleurs, la mort des insectes, la douce 12
Mort des ailes et des tiges et des parfums ; 12
Il dit les vols lointains et clairs qui sont défunts 12
20 Et reposent, cassés, dans l’herbe et dans la mousse. 12
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