Métrique en Ligne
VHR_3/VHR84
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES SOIRS
I
DÉCORS LIMINAIRES
LE MOULIN
Le moulin tourne au fond du soir, très lentement, 12
Sur un ciel de tristesse et de mélancolie, 12
Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie, 12
Est triste et faible et lourde et lasse infiniment. 12
5 Depuis l’aube, ses bras, comme des bras de plainte, 12
Se sont tendus et sont tombés ; et les voici 12
Qui retombent encor, là-bas, dans l’air noirci 12
Et le silence entier de la nature éteinte. 12
Un jour souffrant d’hiver parmi les loins s’endort, 12
10 Les nuages sont las de leurs voyages sombres, 12
Et, le long des taillis, qui ramassent leurs ombres, 12
Les ornières s’en vont vers un horizon mort. 12
Sous un ourlet de sol, quelques huttes de hêtre 12
Très misérablement sont assises en rond ; 12
15 Une lampe de cuivre est pendue au plafond 12
Et patine de feu le mur et la fenêtre. 12
Et dans la plaine immense et le vide dormeur, 12
Elles fixent, — les très-souffreteuses bicoques — 12
Avec les pauvres yeux de leurs carreaux en loques, 12
20 Le vieux moulin qui tourne, et las, qui tourne et meurt. 12
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