Métrique en Ligne
VHR_3/VHR80
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES SOIRS
I
DÉCORS LIMINAIRES
INSATIABLEMENT
Le soir, plein des dégoûts du journalier mirage, 12
Avec des dents, brutal, de folie et de feu, 12
Je mords en moi mon propre cœur et je l’outrage 12
Et ricane, s’il tord son martyre vers Dieu. 12
5 Là-bas, un ciel brûlé d’apothéoses vertes 12
Domine un coin de mer — et des flammes de flots 12
Entrent, comme parmi des blessures ouvertes, 12
En des écueils troués de cris et de sanglots. 12
Et mon cœur se reflète en ce soir de torture, 12
10 Quand la vague se ronge et se déchire aux rocs 12
Et s’acharne contre elle et que son armature 12
D’or et d’argent éclate et s’émiette, par chocs. 13
La joie, enfin, me vient de souffrir par moi-même, 12
Parce que je le veux, et je m’enivre aux pleurs 12
15 Que je répands, et mon orgueil tait son blasphème 12
Et s’exalte, sous les abois de mes douleurs. 12
Je harcèle mes maux et mes vices. J’oublie 12
L’inextinguible ennui de mon détraquement, 12
Et quand lève le soir son calice de lie, 12
20 Je me le verse à boire, insatiablement. 12
logo du CRISCO logo de l'université