Métrique en Ligne
VHR_3/VHR70
Émile VERHAEREN
LES SOIRS
1887
LES SOIRS
I
DÉCORS LIMINAIRES
LES COMPLAINTES
Les complaintes qu’on va chantant par la grand’route, 12
Avec leurs vieux refrains de banal désespoir, 12
Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute 12
Sont plus tristes encor, les dimanches, le soir, 12
5 Dans le silence éteint des tons et des lumières. 12
Le village s’endort. La cloche des saluts 12
Tinte minablement sa plainte et les chaumières 12
Qu’on ferme, et les verrous et les seuils vermoulus 12
Poussent des cris souffrants, comme des voix humaines. 12
10 Parfois, dans les vergers, un très doux meuglement 12
Ou quelque bruit d’étable et de chenil. Les plaines 12
Se remplissent de nuit et de tressaillement. 12
Personne. À l’horizon, rien que la solitude 12
Et des nuages longs qui voyagent, par tas. 12
15 Et dans cet infini d’ombre et de lassitude 12
Et dans cette douleur des campagnes, là-bas, 12
Les complaintes qu’on va chantant par la grand’route 12
Avec leurs vieux refrains de banal désespoir, 12
Avec leurs mots en panne et leur rythme en déroute, 12
20 Meurent en cette mort de dimanche et de soir. 12
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