Métrique en Ligne
VHR_2/VHR62
Émile VERHAEREN
LES MOINES
1885
LES VÊPRES
Moines, vos chants du soir roulent parmi leurs râles 12
Le flux et le reflux des douleurs vespérales. 12
Lorsque dans son lit froid, derrière sa cloison, 12
Le malade redit sa dernière oraison ; 12
5 Lorsque la folie arde au cœur les lunatiques, 12
Et que la toux mord à la gorge les étiques ; 12
Lorsque les yeux troublés de ceux qui vont mourir, 12
Tout en songeant aux vers, voient le couchant fleurir ; 12
Lorsque pour les défunts, que demain l’on enterre, 12
10 Les fossoyeurs, au son du glas, remuent la terre ; 12
Lorsque dans les maisons closes on sent les seuils 12
Heurtés lugubrement par le coin des cercueils ; 12
Lorsque dans l’escalier étroit montent les bières 12
Et que la corde râcle au ras de leurs charnières ; 12
15 Lorsqu’on croise à jamais, dans la chambre des morts, 12
Le linceul sur leurs bras, leurs bras sur leurs remords ; 12
Lorsque les derniers coups de la cloche qui tinte 12
Meurent dans les lointains, comme une voix éteinte, 12
Et qu’en fermant les yeux pour s’endormir, la nuit 12
20 Étouffe, entre ses cils, la lumière et le bruit : 12
Moines, vos chants du soir roulent parmi leurs râles 12
Le flux et le reflux des douleurs vespérales. 12
logo du CRISCO logo de l'université