Métrique en Ligne
VHR_2/VHR36
Émile VERHAEREN
LES MOINES
1885
SOIR RELIGIEUX
Sur le couvent qui dort, une paix d’ombre blanche 12
Plane mystiquement et, par les loins moelleux, 12
Des brouillards de duvet et des vols nébuleux 12
Égrènent en flocons leur neigeuse avalanche. 12
5 Le ciel d’hiver, empli d’un espace géant, 12
Nacre l’azur profond d’une clarté sereine ; 12
Il semble que la nuit tende sur de l’ébène 12
Des manteaux de silence et des robes d’argent. 12
Les peupliers penchant, pâles, leur profil triste, 12
10 Nimbé de lune, au bord des rives sans remous, 12
Avec un va-et-vient de balancement doux, 12
Font trembler leurs reflets dans les eaux d’améthyste. 12
À l’horizon, par où les longs chemins perdus 12
Marchent vers le matin, à la lueur des chaumes, 12
15 Flottent, au son du vent, des formes de fantômes 12
Qui rasent les gazons de leurs pieds suspendus. 12
Car c’est l’heure où, là-bas, les Anges, en guirlande, 12
Redescendent cueillir, mélancoliquement, 12
Dans les plaines de l’air muet, le lys dormant, 12
20 Le lys surnaturel qui fleurit la légende. 12
On les rêve passant sur les cimes, où luit, 12
Comme des baisers d’or, l’adieu de la lumière, 12
Ils vont par le sentier, le champ et la bruyère, 12
Et, le doigt sur la bouche, ils écoutent la nuit. 12
25 Et tel est le silence éclos autour du cloître 12
Et le mystère épars autour de l’horizon, 12
Qu’ils entendent la pure et belle floraison 12
Du pâle lys d’argent sur les montagnes croître. 12
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