Métrique en Ligne
VER_9/VER381
Paul VERLAINE
PARALLÈLEMENT
1889
APPENDICE II
*Filles
I
Bonne simple fille des rues, 8
Combien te préféré-je aux grues 8
Qui nous encombrent le trottoir 8
De leur traîne, mon décrottoir, 8
5 Poseuses et bêtes poupées 8
Rien que de chiffons occupées 8
Ou de courses et de paris, 8
Fléaux déchaînés sur Paris ! 8
Toi, tu m’es un vrai camarade 8
10 Qui la nuit monterait en grade 8
Et même dans les draps câlins 8
Garderait des airs masculins, 8
Amante à la bonne franquette, 8
L’amie à travers la coquette 8
15 Qu’il te faut bien être un petit 8
Pour agacer mon appétit. 8
Oui, tu possèdes des manières 8
Si farceusement garçonnières 8
Qu’on croit presque faire un péché 8
20 (Pardonné puisqu’il est caché). 8
Sinon que t’as les fesses blanches 8
De frais bras ronds et d’amples hanches 8
Et remplaces ce que n’as pas 8
Par tant d’orthodoxes appas. 8
25 T’es un copain tant t’es bonne âme, 8
Tant t’es toujours tout feu, tout flamme 8
S’il s’agit d’obliger les gens 8
Fût-ce avec tes pauvres argents 8
Jusqu’à doubler ta rude ouvrage, 8
30 Jusqu’à mettre du linge en gage ! 8
Comme nous t’as eu des malheurs 8
Et tes larmes valent nos pleurs 8
Et tes pleurs mêlés à nos larmes 8
Ont leurs salaces et leurs charmes, 8
35 Et de cette pitié que tu 8
Nous portes sort une vertu. 8
T’es un frère qu’est une dame 8
Et qu’est pour le moment ma femme… 8
Bon ! Puis dormons jusqu’à potron- 8
40 Minette, en boule et ron, ron, ron ! 8
Serre-toi, que je m’acoquine 8
Le ventre au bas de ton échine, 8
Mes genoux emboîtant les tiens, 8
Tes pieds de gosse entre les miens. 8
45 Roule ton cul sous ta chemise, 8
Mais laisse ma main que j’ai mise 8
Au chaud sous ton gentil tapis. 8
Là ! nous voilà cois, bien tapis. 8
Ce n’est pas la paix, c’est la trêve. 8
50 Tu dors ? Oui. Pas de mauvais rêve. 8
Et je somnole en gais frissons, 8
Le nez pâmé sur tes frisons. 8
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