Métrique en Ligne
VER_7/VER326
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
LUCIEN LÉTINOIS
XXII
L’affreux Ivry dévorateur 8
A tes reliques dans sa terre 8
Sous de pales fleurs sans odeur 8
Et, des arbres nains sans mystère. 8
5 Je laisse les charniers flétris 8
Où gît la moitié de Paris. 8
Car, mon fils béni, tu reposes 8
Sur le territoire d’Ivry, 8
Commune, où, du moins, mieux encloses, 8
10 Les tombes dorment à l’abri 8
Du flot des multitudes bêtes, 8
Les dimanches, jeudis et fêtes. 8
Le cimetière est trivial 8
Dans la campagne révoltante, 8
15 Mais je sais le coin filial 8
Où ton corps a planté sa tente. 8
– Ami, je viens parler à toi. 8
– Commence par prier pour moi. 8
Bien pieusement je me signe 8
20 Devant la croix de pierre et dis 8
En sanglotant à chaque ligne 8
Un très humble De profundis. 8
– Alors ta belle âme est sauvée ? 8
– Mais par quel désir éprouvée ! 8
25 Les fleurettes du jardinet 8
Sont bleuâtres et rose tendre 8
Et blanches, et l’on reconnaît 8
Des soins qu’il est juste d’attendre. 8
– Le désir, sans doute, de Dieu ? 8
30 – Oui, rien n’est plus dur que ce feu. 8
Les couronnes renouvelées 8
Semblent d’agate et de cristal ; 8
Des feuilles d’arbres des allées 8
Tournent, dans un grand vent brutal. 8
35 – Comme tu dois souffrir, pauvre âme ! 8
– Rien n’est plus doux que cette flamme, 8
Voici le soir gris qui descend ; 8
Il faut quitter le cimetière, 8
Et je m’éloigne en t’adressant 8
40 Une invocation dernière : 8
– Ame vers Dieu, pensez à moi. 8
– Commence par prier pour toi. 8
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