Métrique en Ligne
VER_7/VER318
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
LUCIEN LÉTINOIS
XIV
Notre essai de culture eut une triste fin, 12
Mais il fit mon délire un long temps et ma joie : 12
J’y voyais se développer ton être fin 12
Dans ce beau travail qui bénit ceux qu’il emploie ; 12
5 J’y voyais ton profil fluet sur l’horizon 12
Marcher comme à pas vifs derrière la charrue, 12
Gourmandant les chevaux ainsi que de raison, 12
Sans colère, et criant diah et criant hue ; 12
Je te voyais herser, rouler, faucher parfois, 12
10 Consultant les anciens, inquiet d’un nuage, 12
L’hiver à la batteuse ou liant dans nos bois, 12
Je t’aidais, vite hors d’haleine et tout en nage. 12
Le dimanche, en l’éveil des cloches, tu suivais 12
Le chemin de jardins pour aller à la Messe ; 12
15 Après midi, l’auberge une heure où tu buvais 12
Pour dire, et puis la danse aux soirs de grand’liesse… 12
Hélas ! tout ce bonheur que je croyais permis, 12
Vertu, courage à deux, non mépris de la foule 12
Mais pitié d’elle avec très peu de bons amis, 12
20 Croula dans des choses d’argent comme un mur croule 12
Après, tu meurs ! – Un dol sans pair livre à la Faim 12
Ma fierté, ma vigueur, et la gloire apparue… 12
Ah ! frérot ! est-ce enfin là-haut ton spectre fin 12
Qui m’appelle à grands bras derrière la charrue ? 12
logo du CRISCO logo de l'université