Métrique en Ligne
VER_7/VER303
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
PENSÉE DU SOIR
A ERNEST RAYNAUD
COUCHÉ dans l’herbe pâle et froide de l’exil, 12
Sous les ifs et les pins qu’argente le grésil, 12
Ou bien errant, semblable aux formes que suscite 12
Le rêve, par l’horreur du paysage scythe, 12
5 Tandis qu’autour, pasteurs de troupeaux fabuleux, 12
S’effarouchent les blancs Barbares aux yeux bleus, 12
Le poète de l’art d’Aimer, le tendre Ovide 12
Embrasse l’horizon d’un long regard avide 12
Et contemple la mer immense tristement. 12
10 Le cheveu poussé rare et gris que le tourment 12
Des bises va mêlant sur le front qui se plisse, 12
L’habit troué livrant la chair au froid, complice, 12
Sous l’aigreur du sourcil tordu l’œil terne et las, 12
La barbe épaisse, inculte et presque blanche, hélas ! 12
15 Tous ces témoins qu’il faut d’un deuil expiatoire 12
Disent une sinistre et lamentable histoire 12
D’amour excessif, d’âpre envie et de fureur 12
Et quelque responsabilité d’Empereur. 12
Ovide morne pense à Rome et puis encore 12
20 A Rome que sa gloire illusoire décore. 12
Or, Jésus ! vous m’avez justement obscurci : 12
Mais, n’étant pas Ovide, au moins je suis ceci. 12
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