Métrique en Ligne
VER_7/VER280
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
ADIEU
HÉLAS ! je n’étais pas fait pour cette haine 11
Et pour ce mépris plus forts que moi que j’ai. 11
Mais pourquoi m’avoir fait cet agneau sans laine 11
Et pourquoi m’avoir fait ce cœur outragé ? 11
5 J’étais né pour plaire à toute âme un peu fière, 11
Sorte d’homme en rêve et capable du mieux, 11
Parfois tout sourire et parfois tout prière, 11
Et toujours des cieux attendris dans les yeux ; 11
Toujours la bonté des caresses sincères, 11
10 En dépit de tout et quoi qu’il y parût, 11
Toujours la pudeur des hontes nécessaires 11
Dans l’argent brutal et les stupeurs du rut ; 11
Toujours le pardon, toujours le sacrifice ! 11
J’eus plus d’un des torts, mais j’avais tous les soins. 11
15 Votre mère était tendrement ma complice, 11
Qui voyait mes torts et mes soins, elle, au moins. 11
Elle n’aimait pas que par vous je souffrisse. 11
Elle est morte et j’ai porté sur son tombeau ; 11
Mais je doute fort qu’elle approuve et bénisse 11
20 La chose actuelle et trouve cela beau. 11
Et j’ai peur aussi, nous en terre, de croire 11
Que le pauvre enfant, votre fils et le mien, 11
Ne vénérera pas trop votre mémoire, 11
O vous sans égard pour le mien et le tien, 11
25 Je n’étais pas fait pour dire de ces choses, 11
Moi dont la parole exhalait autrefois 11
Un épithalame en des apothéoses, 11
Ce chant du matin où mentait votre voix. 11
J’étais, je suis né pour plaire aux nobles âmes, 11
30 Pour les consoler un peu d’un monde impur, 11
Cimier d’or chanteur et tunique de flammes, 11
Moi le Chevalier qui saigne sur azur, 11
Moi qui dois mourir d’une mort douce et chaste 11
Dont le cygne et l’aigle encor seront jaloux, 11
35 Dans l’honneur vainqueur malgré ce vous néfaste, 11
Dans la gloire aussi des Illustres Époux ! 11
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