Métrique en Ligne
VER_7/VER275
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
SUR UN RELIQUAIRE
QU’ON LUI AVAIT DÉROBÉ
SEUL bijou de ma pauvreté. 8
Ton mince argent, ta perle fausse 8
(En tout quatre francs) ont tenté 8
Quelqu’un dont l’esprit ne se hausse, 8
5 Parmi ces paysans cafards, 8
A vous dégoûter d’être au monde. 8
– Tas d’Onans et de Putiphars ! – 8
Que juste au niveau de l’immonde, 8
Et le Témoin, et le Gardien, 8
10 Le Grain d’une poussière illustre, 8
Un ami du mien et du tien 8
Crispe sur lui sa main de rustre ! 8
Est-ce simplement un voleur, 8
Ou s’il se guinde au sacrilège ? 8
15 Bah ! ces rustiques-lis ! Mais leur 8
Gros laid vice que rien n’allège, 8
Ne connaît rien que de brutal 8
Et ne s’est jamais douté d’une 8
Ame immortelle. Du métal, 8
20 C’est tout ce qu’il voit dans la lune ; 8
Tout ce qu’il voit dans le soleil, 8
C’est foin épais et fumier dense, 8
Et quand éclot le jour vermeil, 8
Il suppute timbre et quittance, 8
25 Hypothèque, gens mis dedans, 8
Placements, la dot de la fille, 8
Crédits ouverts à cieux battants 8
Et l’usure au bout qui mordille ! 8
Donc, vol, oui, sacrilège, non. 8
30 Mais le fait monstrueux existe, 8
Et pour cet ouvrage sans nom 8
Mon âme est immensément triste. 8
O ! pour lui ramener la paix, 8
Daignez, vous, grand saint Benoît Labre, 8
35 Écouter les vœux que je fais 8
Peur que ma foi ne se délabre 8
En voyant ce crime impuni 8
Rester inutile ! O la Grâce, 8
Implorez-la sur l’homme, et ni 8
40 L’homme ni moi n’oublierons. Grâce ! 8
Grâce pour le pauvre larron 8
Inconscient du péché pire ! 8
Intercédez, ô bon patron, 8
Et qu’enfin le bon Dieu l’inspire, 8
45 Que de ce débris de ce corps 8
Exalté par la pénitence 8
Sorte une vertu de remords, 8
Et que l’exquis conseil le tance 8
Et lui montre toute l’horreur 8
50 Du vol et de ce vol impie 8
Avec la torpeur et l’erreur 8
D’un passé qu’il faut qu’il expie. 8
Qu’il s’émeuve à ce double objet 8
Et tremblant au son du tonnerre 8
55 Respecte ce qu’il outrageait 8
En attendant qu’il le vénère. 8
Et que cette conversion 8
L’amène à la foi de ses pères 8
D’avant la Révolution. 8
60 Ma Foi, dis-le-moi, tu l’espères ? 8
Ma foi, celle du charbonnier, 8
Ainsi la veux-je, et la souhaite 8
Au possesseur, croyons dernier, 8
De la sainte petite boîte. 8
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