Métrique en Ligne
VER_7/VER274
Paul VERLAINE
AMOUR
1888
BALLADE
À PROPOS DE DEUX ORMEAUX QU’IL AVAIT
A Léon Vanier.
MON jardin fut doux et léger. 8
Tant qu’il fut mon humble richesse : 8
Mi-potager et mi-verger, 8
Avec quelque fleur qui se dresse 8
5 Couleur d’amour et d’allégresse, 8
Et des oiseaux sur des rameaux, 8
Et du gazon pour la paresse. 8
Mais rien ne valut mes ormeaux. 8
De ma claire salle à manger 8
10 Où du vin fit quelque prouesse, 8
Je les voyais tous deux bouger 8
Doucement au vent qui les presse 8
L’un vers l’autre en une caresse, 8
Et leurs feuilles flûtaient des mots. 8
15 Le clos était plein de tendresse. 8
Mais rien ne valut mes ormeaux. 8
Hélas ! quand il fallut changer. 8
De cieux et quitter ma liesse, 8
Le verger et le potager 8
20 Se partagèrent ma tristesse, 8
Et la fleur couleur charmeresse, 8
Et l’herbe, oreiller de mes maux, 8
Et l’oiseau surent ma détresse. 8
Mais rien ne valut mes ormeaux. 8
ENVOI
25 Prince, j’ai goûté la simplesse 8
De vivre heureux dans vos hameaux : 8
Gaîté, santé que rien ne blesse. 8
Mais rien ne valut mes ormeaux. 8
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