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« Dame Reine… – Encor toi, Satan ! – Madame Reine… |
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– « O Seigneur, faites mon oreille assez sereine |
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Pour ouïr sans l’écouter ce que dit le Malin ! » |
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– « Ah ! ce fut un vaillant et galant châtelain |
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« Que votre époux ! Toujours en guerre ou bien en fête ; |
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« (Hélas ! j’en puis parler puisque je suis sa tête), |
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« Il vous aima, mais moins encore qu’il n’eût dû. |
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« Que de vertu gâtée et que de temps perdu |
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« En vains tournois, en cours d’amour loin de sa dame |
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« Qui belle et jeune prit un amant, la pauvre âme ! » |
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– « O Seigneur, écartez ce calice de moi ! » |
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– « Comme ils s’aimèrent ! Ils s’étaient juré leur foi |
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« De s’épouser sitôt que serait mort le maître, |
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« Et le tuèrent dans son sommeil d’un coup traître. » |
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« – Seigneur, vous le savez, dès le crime accompli, |
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« J’eus horreur, et prenant ce jeune homme en oubli, |
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« Vins au roi, dévoilant l’attentat effroyable, |
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« Et pour mieux déjouer la malice du diable, |
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« J’obtins qu’on m’apportât en ma juste prison |
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« La tête de l’époux occis en trahison : |
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« Par ainsi le remords, devant ce triste reste, |
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« Me met toujours aux yeux mon action funeste. |
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« Et la ferveur de mon repentir s’en accroît, |
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« O Jésus ! Mais voici : le Malin qui se voit |
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« Dupe et qui voudrait bien ressaisir sa conquête, |
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« S’en vient-il pas loger dans cette pauvre tête |
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« Et me tenir de faux propos insidieux ? |
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« O Seigneur, tendez-moi vos secours précieux ! » |
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– « Ce n’est pas le démon, ma Reine, c’est moi-même, |
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« Votre époux, qui vous parle en ce moment suprême, |
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« Votre époux qui, damné (car j’étais en mourant |
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« En état de péché mortel), vers vous se rend, |
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« O Reine, et qui, pauvre âme errante, prend la tête |
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« Qui fut la sienne aux jours vivants pour interprète |
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« Effroyable de son amour épouvanté. » |
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– « O blasphème hideux, mensonge détesté ! |
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« Monsieur Jésus, mon maître adorable, exorcise |
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« Ce chef horrible et le vide de la hantise |
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« Diabolique qui n’en fait qu’un instrument |
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« Où souffle Belzébuth fallacieusement, |
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« Comme dans une flûte on joue un air perfide ! » |
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– « O douleur, une erreur lamentable te guide, |
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« Reine, je ne suis pas Satan, je suis Henry ! » |
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– « Oyez, Seigneur, il prend la voix de mon mari ! |
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« A mon secours, les Saints, à l’aide, Notre-Dame ! » |
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– « Je suis Henry, du moins, Reine, je suis son âme, |
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« Qui, par sa volonté, plus forte que l’enfer, |
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« Ayant su transgresser toute porte de fer |
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« Et de flamme, et braver leur impure cohorte, |
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« Hélas ! vient pour te dire avec cette voix morte |
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« Qu’il est d’autres amours encor que ceux d’ici. |
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« Tout immatériels et sans autre souci |
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« Qu’eux-mêmes, des amours d’âmes et de pensées. |
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« Ah ! que leur fait le Ciel ou l’Enfer. Enlacées, |
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« Les âmes, elles n’ont qu’elles-mêmes pour but ! |
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« L’enfer pour elles, c’est que leur amour mourût, |
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« Et leur amour de son essence est immortelle ! |
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« Hélas ! moi, je ne puis te suivre aux deux, cruelle |
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« Et seule peine en ma damnation. Mais toi, |
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« Damne-toi ! Pousserons heureux à deux, la loi |
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« Des âmes, je le dis, c’est l’alme indifférence |
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« Pour la félicité comme pour la souffrance |
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« Si l’amour partagé leur fait d’intimes cieux. |
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« Viens afin que l’enfer, jaloux, voie, envieux, |
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« Deux damnés ajouter, comme on double un délice, |
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« Tous les feux de l’amour à tous ceux du supplice, |
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« Et se sourire en un baiser perpétuel ! » |
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– Ame de mon époux, tu sais qu’il est réel |
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« Le repentir qui fait qu’en ce moment j’espère |
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« En la miséricorde ineffable du Père |
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« Et du Fils et du Saint-Esprit ! Depuis un mois |
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« Que j’expie, attendant la mort que je te dois, |
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« En ce cachot trop doux encor, nue et par terre, |
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« Le crime monstrueux et l’infâme adultère, |
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« N’ai-je pas, repassant ma vie en sanglotant, |
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« O mon Henry, pleuré des siècles cet instant |
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« Où j’ai pu méconnaître en toi celui qu’on aime ? |
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« Va, j’ai revu, superbe et doux, toujours le même, |
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« Ton regard qui parlait délicieusement, |
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« Et j’entends, et c’est là mon plus dur châtiment, |
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« Ta noble voix, et je me souviens des caresses ! |
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« Or si tu m’as absous et si tu t’intéresses |
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« A mon salut, du haut des cieux, ô cher souci, |
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« Manifeste-toi, parle, et démens celui-ci |
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« Qui blasphème et vomit d’affreuses hérésies ! » |
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– « Je te dis que je suis damné ! Tu t’extasies |
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« En terreurs vaines, ô ma Reine. Je te dis |
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« Qu’il te faut rebrousser chemin du Paradis, |
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« Vain séjour du bonheur banal et solitaire |
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« Pour l’amour avec moi ! Les amours de la terre |
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« Ont, tu le sais, de ces instants chastes et lents : |
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« L’âme veille, les sens se taisent somnolents, |
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« Le cœur qui se repose et le sang qui s’affaire |
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« Font dans tout l’être comme une douce faiblesse. |
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« Plus de désirs fiévreux, plus d’élans énervants, |
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« On est des frères et des sœurs et des enfants, |
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« On pleure d’une intime et profonde allégresse, |
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« On est les cieux, on est la terre, enfin on cesse |
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« De vivre et de sentir pour s’aimer au delà, |
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« Et c’est l’éternité que je t’offre, prends-la ! |
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« Au milieu des tourments nous serons dans la joie, |
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« Et le Diable aura beau meurtrir sa double proie, |
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« Nous rirons, et plaindrons ce Satan sans amour. |
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« Non, les Anges n’auront dans leur morne séjour |
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« Rien de pareil à ces délices inouïes ! » – |
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