Métrique en Ligne
VER_6/VER250
Paul VERLAINE
JADIS ET NAGUÈRE
1884
JADIS
VERS JEUNES
L’ANGELUS DU MATIN
A Léon Vanier.
Fauve avec des tons d’écarlate, 8
Une aurore de fin d’été 8
Tempétueusement éclate 8
A l’horizon ensanglanté. 8
5 La nuit rêveuse, bleue et bonne, 8
Pâlit, scintille et fond en l’air, 8
Et l’ouest dans l’ombre qui frissonne 8
Se teinte au bord de rose clair. 8
La plaine brille au loin et fume. 8
10 Un oblique rayon venu 8
Du soleil surgissant allume 8
Le fleuve comme un sabre nu. 8
Le bruit des choses réveillées 8
Se marie aux brouillards légers 8
15 Que les herbes et les feuillées 8
Ont subitement dégagés. 8
L’aspect vague du paysage 8
S’accentue et change à foison. 8
La silhouette d’un village 8
20 Paraît. – Parfois une maison 8
Illumine sa vitre et lance 8
Un grand éclair qui va chercher 8
L’ombre du bois plein de silence. 8
Ça et là se dresse un clocher. 8
25 Cependant, la lumière accrue 8
Frappe dans les sillons les socs 8
Et voici que claire, bourrue, 8
Despotique, la voix des coqs 8
Proclamant l’heure froide et grise 8
30 Du pain mangé sans faim, des yeux 8
Frottés que flagelle la bise 8
Et du grincement des moyeux, 8
Fait sortir des toits la fumée, 8
Aboyer les chiens en fureur, 8
35 Et par la pente accoutumée 8
Descendre le lourd laboureur, 8
Tandis qu’un chœur de cloches dures, 8
Dans le grandissement du jour, 8
Monte, aubade franche d’injures, 8
40 A l’adresse du Dieu d’amour ! 8
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