Métrique en Ligne
VER_5/VER186
Paul VERLAINE
SAGESSE
1881
II
IV
VII
– Certes, si tu le veux mériter, mon fils, oui, 12
Et voici. Laisse aller l’ignorance indécise 12
De ton cœur vers les bras ouverts de mon Église, 12
Comme la guêpe vole au lis épanoui. 12
5 Approche-toi de mon oreille. Épanches-y 12
L’humiliation d’une brave franchise. 12
Dis-moi tout sans un mot d’orgueil ou de reprise 12
Et m’offre le bouquet d’un repentir choisi. 12
Puis franchement et simplement viens à ma table. 12
10 Et je t’y bénirai d’un repas délectable 12
Auquel l’ange n’aura lui-même qu’assisté, 12
Et tu boiras le Vin de la vigne immuable, 12
Dont la force, dont la douceur, dont la bonté 12
Feront germer ton sang à l’immortalité. 12
*
15 Puis, va ! Garde une foi modeste en ce mystère 12
D’amour par quoi je suis ta chair et ta raison, 12
Et surtout reviens très souvent dans ma maison, 12
Pour y participer au Vin qui désaltère, 12
Au Pain sans qui la vie est une trahison, 12
20 Pour y prier mon Père et supplier ma Mère 12
Qu’il te soit accordé, dans l’exil de la terre, 12
D’être l’agneau sans cris qui donne sa toison, 12
D’être l’enfant vêtu de lin et d’innocence, 12
D’oublier ton pauvre amour-propre et ton essence, 12
25 Enfin, de devenir un peu semblable à moi 12
Qui fus, durant les jours d’Hérode et de Pilate 12
Et de Judas et de Pierre, pareil à toi 12
Pour souffrir et mourir d’une mort scélérate ! 12
*
Et pour récompenser ton zèle en ces devoirs 12
30 Si doux qu’ils sont encor d’ineffables délices, 12
Je te ferai goûter sur terre mes prémices, 12
La paix du cœur, l’amour d’être pauvre, et mes soirs 12
Mystiques, quand l’esprit s’ouvre aux calmes espoirs 12
Et croit boire, suivant ma promesse, au Calice 12
35 Éternel, et qu’au ciel pieux la lune glisse, 12
Et que sonnent les angélus roses et noirs, 12
En attendant l’assomption dans ma lumière, 12
L’éveil sans fin dans ma charité coutumière, 12
La musique de mes louanges à jamais, 12
40 Et l’extase perpétuelle et la science, 12
Et d’être en moi parmi l’aimable irradiance 12
De tes souffrances, enfin miennes, que j’aimais ! 12
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