Métrique en Ligne
VER_30/VER880
Paul VERLAINE
FEMMES
1890
OUVERTURE
Je veux m'abstraire vers vos cuisses et vos fesses, 12
Putains, du seul vrai Dieu seules prêtresses vraies, 12
Beautés mûres ou non, novices et professes, 12
Ô ne vivre plus qu'en vos fentes et vos raies ! 12
5 Vos pieds sont merveilleux, qui ne sont qu'à l'amant, 12
Ne reviennent qu'avec l'amant, n'ont de répit 12
Qu'au lit pendant l'amour, puis flattent gentiment 12
Ceux de l'amant qui las et soufflant se tapit. 12
Pressés, fleurés, baisés, léchés depuis les plantes 12
10 Jusqu'aux orteils sucés les uns après les autres, 12
Jusqu'aux chevilles, jusqu'aux lacs des veines lentes, 12
Pieds plus beaux que des pieds de héros et d'apôtres ! 12
J'aime fort votre bouche et ses jeux gracieux, 12
Ceux de la langue et des lèvres et ceux des dents 12
15 Mordillant notre langue et parfois même mieux, 12
Truc presque aussi gentil que de mettre dedans ; 12
Et vos seins, double mont d'orgueil et de luxure 12
Entre quels mon orgueil viril parfois se guinde 12
Pour s'y gonfler à l'aise et s'y frotter la hure : 12
20 Tel un sanglier ès vaux du Parnasse et du Pinde. 12
Vos bras, j'adore aussi vos bras si beaux, si blancs, 12
Tendres et durs, dodus, nerveux quand faut et beaux 12
Et blancs comme vos culs et presque aussi troublants, 12
Chauds dans l'amour, après frais comme des tombeaux. 12
25 Et les mains au bout de ces bras, que je les gobe ! 12
La caresse et la paresse les ont bénies, 12
Rameneuses du gland transi qui se dérobe, 12
Branleuses aux sollicitudes infinies ! 12
Mais quoi ? Tout ce n'est rien, Putains, aux pris de vos 12
30 Culs et cons dont la vue et le goût et l'odeur 12
Et le toucher font des élus de vos dévots, 12
Tabernacles et Saints des Saints de l'impudeur. 12
C'est pourquoi, mes sœurs, vers vos cuisses et vos fesses 12
Je veux m'abstraire tout, seules compagnes vraies, 12
35 Beautés mûres ou non, novices ou professes, 12
Et ne vivre plus qu'en vos fentes et vos raies. 12
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