Métrique en Ligne
VER_28/VER860
Paul VERLAINE
POÈMES DIVERS
1890-1895
À EUGÉNIE
I
O toi, toi, seule bonne entre toutes ces femmes 12
Et tant d'hommes feignant d'aimer mon triste cœur, 12
Toi me riant parmi leurs sourires infâmes, 12
Me riant franchement, d'un rire point moqueur 12
5 Hypocrite encor moins, mais toujours large et libre 12
Et qui fait rire enfin mon cœur et sa langueur, 12
Large comme ton cœur, libre dans l'équilibre 12
D'une affection forte et douce que ne peut 12
Déranger tel malheur minime ou de calibre… 12
10 Tu querelles avec justice, s'il le veut 12
Ou s'il ne le veut pas, mon affreux caractère… 12
On dirait, ta querelle, un jardin où il pleut… 12
On dirait, ta querelle, un enfant qu'on fait taire 12
Et qu'on baise bien fort au front, du moment qu'il s'est tu 14
15 Pour le récompenser du bon pli salutaire 12
Pris d'obéir, conformément à la vertu, 12
Des enfants, d'écouter sans répondre et s'instruire 12
Dans la sagesse et le devoir parfois ardu. 12
Ô toi, sachant me plaire encor mieux, et séduire 12
20 Encore plus mon âme et mes sens par préci- 12
Sément ton âme et la grâce qui s'en va luire, 12
La grâce de tes sens aimés, — et par ainsi 12
Notre amour s'ennoblit d'une grâce meilleure 12
Par quoi voici joyeux mon cœur jadis transi. 12
25 Arrière maintenant le vain souci de l'heure 12
Et du ciel orageux, ou froid… N'avons-nous pas 12
À l'écart des méchants de qui j'ai fui le leurre 12
La certitude de ne marcher qu'à sûrs pas 12
Dans le bonheur, sans plus chercher, moi, l'orde orgie 12
30 De laquelle je suis vainqueur, non sans combats ? 12
Ô toi, toute bonté, forte et douce énergie ! 12
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