Métrique en Ligne
VER_24/VER148
Paul VERLAINE
POÈMES CONTEMPORAINS DE "LA BONNE CHANSON" ET DE "ROMANCES SANS PAROLES"
1870-1873
LES RENARDS
C'est la guerre mathématique 8
Dans l'horreur, toute neuve encor, 8
De son impeccable tactique : 8
— Pas de prestige ; aucun décor ; 8
5 Des malices d'anthropophages 8
Et la raie au milieu du front : 8
Ils feront des actes sauvages, 8
Puis bien haut s'en affligeront, 8
Lymphatiques incendiaires, 8
10 C'est des larmes plein leurs yeux bleus 8
Qu'ils rasent des villes entières 8
Pour un coup de feu derrière eux ; 8
De plus, aussi rusés qu'alertes, 8
Ces idylliques Allemands 8
15 Savent dissimuler leurs pertes 8
Par de prestes enterrements. 8
Constatons, enfin, puisque, en somme, 8
L'humilité sied aux vaincus, 8
Leur supériorité comme 8
20 Fins espions. De vrais Argus ! 8
C'est vrai, cela tient du miracle, 8
Et vraiment ces caporaux blonds 8
Semblent ignorer tout obstacle, 8
Guzmans modernes aux pieds longs. 8
25 Et la France, la pauvre France 8
Devrait bannir de son grand cœur 8
Martyrisé toute espérance, 8
Si le destin n'était moqueur ; 8
Si dans cette lutte morose 8
30 Dont certes nous ne pouvons mais, 8
Nous n'avions avec nous la cause 8
La plus sainte qui fut jamais ; 8
Si quand, nos armes bien fourbies, 8
Nos canons prêts — et les voilà ! — 8
35 Forts de nos haines assouvies, 8
Nous ne leur disions : « Halte-là ! » 8
Si, saisissant d'une main ferme 8
Fusils, revolvers et poignards, 8
Nous n'allions tantôt mettre un terme 8
40 À cette guerre de renards ! 8
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